C’est donc un dimanche de mars que Philippe Tiry a choisi pour quitter la scène sur laquelle il a entraîné nombre d’acteurs majeurs de la décentralisation culturelle en France. Nombreux sont ceux, parmi lesquels je me compte, qui se sentent un peu orphelins désormais.
Car Philippe Tiry n’a pas été seulement un animateur exemplaire dans le monde du théâtre et du spectacle, il aura été aussi cet aîné qui a su prendre par la main et accompagner nombre d’artistes, d’acteurs, de responsables culturels par un sens du compagnonnage qui est certes au cœur du théâtre mais qu’il a su étendre à toute une profession. Son parcours depuis l’époque où il accompagnait Jacques Fabbri et la Compagnie de Provence dans les années soixante, jusqu’à sa création la plus remarquable : l’Office national de diffusion artistique (l’onda) qu’il imagina pour organiser la diffusion artistique en France non sans l’avoir fait précéder par l’IETM un organisme de diffusion et d’échange à l’échelle européenne et internationale, en passant par la direction de la Maison de la culture d’Amiens, l’une des premières de l’ère Malraux témoigne de son influence. C’est ainsi que pendant plus de trente ans, Philippe Tiry s’est trouvé au cœur de la vie artistique française et européenne avec le respect et l’affection de la plupart sinon de tous. Ceci est important à souligner dans un milieu si prompt à se jalouser, à se déchirer, il était celui qui fédérait, auprès duquel on venait chercher conseil, celui qui aidait, qui soutenait qui encourageait et permettait ainsi à des projets utopiques de voir le jour. Je voudrais ici témoigner de ce que Le Parvis lui doit, car il fut l’un des premiers à détecter cette initiative incongrue et originale et à envoyer dès 1975 un de ses « missi dominici » pour lui en faire rapport, lequel revenu à Paris aida le Parvis à monter peu à peu les marches qui le conduisirent où il est aujourd’hui. Mais tout cela, Philippe Tiry le faisait sans avoir l’air d’y toucher, avec la simplicité de ceux qui vous tapent sur l’épaule et vous disent : « viens prendre un verre et casser une petite croûte », car ce sens de la convivialité, il l’avait développé dans ses bureaux de l’ONDA où se rencontraient des gens de la France entière venus à Paris, auprès de lui, recueillir aide et conseils. L’un apportait son saucisson, l‘autre son fromage, un autre encore un vin de son terroir et c’est dans la cuisine improvisée entre deux salles de réunion où l’on parlait danse et théâtre ou musique que l’on faisait connaissance avec tous ceux qui dans leur coin de France faisaient la même métier qui consiste à mettre l’art en présence des publics. Nombreux seront ceux qui se reconnaitraient dans cette description si d’aventure ils lisaient ce billet. À l’onda, son esprit est resté et en maints endroits où se réunissent ceux qui font de la culture métier, également. Si la France est peut-être le pays qui aujourd’hui compte le plus de lieux culturels, c’est évidemment grâce aux politiques culturelles publiques, mais c’est aussi grâce à des hommes comme Philippe Tiry qu’elle le doit. Et bien que tout comédien sache qu’à un moment ou à un autre, il lui faudra sortir de scène, il est des baisser de rideaux plus tristes que d’autres. Je saluerai donc, avec bien d’autres j’imagine, la sortie d’un très grand de la décentralisation culturelle en France.