Pour aussi surprenant que cela soit, chacun a pu constater qu’on n’a pas beaucoup parlé de culture dans cette période d’élections municipales. Il fut d’autres temps où la culture était, comme on dit, un marqueur de différences.
En fait on n’a véritablement parlé, et encore, sur un mode modéré, que du problème des intermittents, vieux serpent de mer des déficits de l’Unedic qui semble toujours opposer le Medef et les Syndicats et qui se résout toujours par une synthèse où l’on réduit un peu le mode d’accès à ces droits des quelques 200 professions culturelles qui y ont accès et le montant des prestations maximales que peuvent toucher ceux qui gagnent le mieux. Pourquoi tant de tapage diront certains ? Parce que c’est l’arbre qui cache la forêt. On tape sur les artistes et techniciens du spectacle, mais finalement les gros employeurs de l’audiovisuel et des médias font comprendre à leurs collègues l’intérêt du dispositif et passez muscade on en reprend pour dix ans. Au fond, c’est très Français dans la démarche et c’est tellement ancré dans nos habitudes qu’on ne voit pas comment faire autrement. Non, le plus surprenant, c’est que les politiques culturelles ne font plus vraiment débat. Les élus municipaux de tous bords considèrent en gros que la culture c’est bon pour leur ville et que la dépense est justifiée. Il y aura bien quelques villes avec des élus un peu plus sectaires qui relanceront des débats sur tel ou tel sujet, mais cela ne devrait pas changer le climat général. En fait, cinquante années de politiques culturelles publiques ont montré l’utilité de la dépense pour le bien-être des habitants et c’est un constat partagé. Or, ces dépenses peuvent être élevées, 20% dans les grandes villes comme Bordeaux, Lyon, Strasbourg, 15% dans des villes comme Nantes, Rennes, Grenoble et souvent plus de 10% du budget municipal dans des villes moyennes. Le fait est que les élus et les citoyens sont demandeurs de services publics culturels. Quelles sont aujourd’hui les tendances ? On distinguera plusieurs niveaux d’attente. D’abord ce qui concerne le Patrimoine et le divertissement populaire. Chaque vile s’enorgueillit de pouvoir être classée au patrimoine de l’Unesco quand c’est le cas, ou « ville d’art et d’histoire » ou tout autre distinction qui met son patrimoine en valeur. Ensuite, elle se doit d’organiser des fêtes, souvent de rue ou de culture locale exaltant le « vivre ensemble » de ses citoyens. En deuxième lieu, il y a une demande de culture institutionnelle, liée aux équipements culturels que chaque ville possède. Il faut avoir des équipements de prestige, ou à défaut y avoir accès, pour profiter des artistes de prestige. L’idéal étant comme à Metz ou à Lens ou encore à Marseille, de bénéficier de la décentralisation d’un label national, le Louvre ou le Centre Pompidou par exemple pour le côté muséal. En troisième lieu, il faut avoir un événement qui fasse date une fois dans l’année au moins (davantage dans les grandes villes) qui attire du monde et des médias. Le modèle absolu est le festival de Cannes pour le cinéma, mais tout événement artistique, intellectuel, littéraire ou autre fait aussi bien l’affaire. En quatrième lieu, il convient de structurer la vie des quartiers sans enfermer les gens dans leur quartier mais au contraire, actant la mobilité de ceux-ci, offrir des singularités artistiques et ainsi dépasser le vieux clivage culturel/socioculturel devenu obsolète. C’est aussi à partir de ce point qu’il faut répondre à la demande de diversité culturelle. Enfin, l’apprentissage, l’initiation culturelle, l’éducation artistique des enfants articulée entre la culture et l’éducation nationale est la clef de l’avenir. Qui est aujourd’hui contre un tel programme ? Personne. Il ne caractérise pas davantage la droite que la gauche, c’est une question de dosage. Il faut juste se demander si dans la ville où l’on vit on rencontre tout ou partie de cette offre et si on s’en satisfait. La réponse est une question de moyens et d’envie, la recette d’une bonne politique culturelle, elle, est connue.