Voilà un nom qui sonne comme un cauchemar pour les footballeurs qu’on a vus ruisselants de sueur dès les premières courses sur la pelouse toute neuve de l’Arena stadium que les Brésiliens ont été construire en pleine foret amazonienne à 3 000km de Sao Paulo, on se demande bien pourquoi.
Nombreux en effet sont ceux qui s’imaginent que cette ville placée au confluent de deux fleuves, le Rio Negro dont les eaux acides coulent du nord et celles du Rio Solimöes, aux eaux limoneuses charriant les îles flottantes de palétuviers qui coulent de l’Ouest pour former le fleuve Amazone, est un de ces endroits de fin du monde où l’on irait se perdre. C’est vrai, que vu de Manaus, le fleuve dont on ne voit même pas la rive opposée lorsqu’on est sur la berge sans quai, là même où accostent quantité de bateaux sur lesquels on monte pour accrocher son hamac en vue d’une traversée vers Bélem, mille kilomètres plus bas, paraît immense. C’est la ville de la rencontre des eaux qui mettront longtemps à se mélanger. On s’attend donc plus ou moins à trouver là une sorte d’Angkor au milieu des banians et des arbres majuscules. Mais il faut être arrivé à Manaus par avion pour découvrir une autre ville de plus de deux millions d’habitants, dotée d’une zone franche qui en a fait une des agglomérations (et ici le mot est juste) les plus riches du pays, ville où se côtoient les plus grandes enseignes de l’électronique internationale, de l’électroménager, de la mécanique qui installent leurs usines flambant neuves sur des kilomètres carrés au milieu de la jungle où poussent les hôtels de luxe comme des champignons. Un paradoxe de plus à l’échelle de ce pays émergent qu’est le Brésil. Mais Manaus c’est aussi une autre histoire qui a eu comme décor le XIX° siècle, à l’époque de la découverte de l’hévéa qui y poussait en abondance, arbre dont on tire le caoutchouc indispensable à l’industrie naissante d’alors. Et Manaus, hier, comme aujourd’hui a vu la richesse jaillir de l’enfer vert. Cela pendant quelques décennies, jusqu’au moment où les Anglais s’avisèrent d’aller planter cet arbre dans leurs propres colonies d’Asie ruinant ainsi la prospérité de la ville en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Je ne sais si les dieux de la jungle les ont punis dans le match qu’ils y ont joué contre l’Italie, mais c’eut été un juste retour des choses. Il reste cependant un lieu mythique, en plein centre ville qui témoigne de cette époque. Ce lieu c’est le Teatro Amazonas, un bijou d’Opéra construit à la belle époque par un Italien inspiré qui commanda tout en Europe : fresques, marbres, bois dorures et décorations, de sorte que tout cela ressemble à un théâtre italien du XIX° dans une grande ville de France ou d’Italie. Cet opéra a été filmé par W.Herzog pour son film « Fitzcarraldo » où un personnage veut aller y entendre Caruso (qui y serait effectivement venu) chanter Verdi. Cette anecdote donne toute la mesure de cette ville, de ce décor, de cet enfer vert et de ses habitants. Et si le foot peut nous faire encore rêver comme on rêve à cette ville improbable au cœur de l’Amazonie on évoquera alors la chaleur qui poisse le corps, les rêves des aventuriers d’hier, les piranhas dans le fleuve, les caïmans sous les palétuviers, les moustiques qui pullulent et ce ballon qui n’utilise peut-être plus le caoutchouc des grands hévéas blessés d’où coule toujours le latex dont on fait encore des matelas mais qui rebondit comme un rêve toujours présent dans les têtes de ses habitants.