Pas d’autre mot pour dire ce que l’on vient de voir. De voir ? Pas si sûr puisque les images ont été vite escamotées sauf à aller les traquer sur Internet. Mais quel intérêt ! L’horreur n’a pas besoin de preuves. Elle est là à la première minute où l’on comprend. Le reste est douleur et silence.
Ainsi Nice et sa « baie des Anges », jamais si bien nommée, avec tous ces enfants morts sous le bulldozer d’un tueur fou. Nous voilà à l’époque de ces crimes de masse qu’on avait plutôt vus aux USA jusque-là, dans ce pays où les armes en vente libre autorisent tous les excès. Mais ici, cette fois, quasiment pas d’armes, un camion transformé en arme de destruction de masse, c’est tout. Un prétexte religieux ? Sans doute. La police vient d’établir le plan et la préméditation, mais en même temps ce criminel venu pour tuer n’avait rien d’un Islamiste. Le profil caractériel, l’échec social, sexuel (ce n’est pas sans importance) et la rupture familiale font sens tout autant que le motif religieux. Mais l’opportunisme de l’un et des autres vient ajouter ce crime au crédit d’une organisation qui en a déjà capitalisé d’autres. Qu’est-ce qui nous arrive ? Qu’est-ce qui nous arrive comme un rebond de la désastreuse aventure américaine en Irak à laquelle rappelons-nous, la France de Chirac avait su résister. Qu’est-ce qui nous arrive après cet emballement médiatique imbécile devant les supposés « Printemps arabes » où politiques impulsifs et intellectuels en peau de lapin se sont bousculés en Lybie d’abord et ensuite partout au Moyen Orient avec les résultats que l’on sait, que l’on mesure aujourd’hui. Certes, à un moment donné, lorsque la prolifération des armes et le soulèvement des hordes de guerriers met en péril « la civilisation », les États liés à la France par des accords de défense, il faut bien y aller. En Afrique notamment. Mais n’a-t-on pas un peu trop préjugé de nos forces et saisi l’opportunité du front extérieur lorsque le front intérieur s’effondre sous les coups de la crise et du chômage ? On peut se le demander. La politique étrangère de la France, quels que soient ses succès ponctuels ne donne pas l’impression de relever d’un ferme dessein mais d’évoluer au fil des circonstances et des ministres successifs ou de leurs présidents. C’est le moins qu’on puisse dire et constater. De fait, nous vivions en France, en Europe, depuis quelques décennies dans une Pax Européana qui nous cachait la réalité et cette dernière a un nom qui désigne un double problème : mondialisme du marché et démographie galopante avec comme conséquence, l’immigration de guerre et l’immigration économique. Nous n’en avons vu d’abord que les avantages, en voici les inconvénients. Ce qui s’amalgame de malheur et de frustration, d’indignation et de révolte dans le monde vient enflammer nos communautés mal arrimées à la République et à ses valeurs. Et pour peu qu’une même religion fournisse aujourd’hui des raisons supérieures, nous voilà embarqués. Nous nous réveillons soudain avec des problèmes que nous n’imaginions pas et les dérisoires armes du droit pour les affronter. Le pays doute et s’interroge, sa classe politique le suit, bientôt à l’indignation succèdera la violence de tous contre tous. Nous n’en sommes pas encore là mais les défis de l’heure sont issus d’une réalité que nous ne pouvons plus ignorer. La Paix n’est pas un état définitif gagné par les démocraties, la tyrannie les guette, l’étranger à la porte donne la mesure de l’espace mental et réel de notre hospitalité, la force des images qui nous excite et nous confond limite notre jugement. L’équilibre de nos sociétés est menacé. On croirait entendre la parole des tragiques anciens, ceux qui résonnaient sur les plateaux de théâtre et qui, en un sens, doivent bien résonner ici ou là dans nos précieux festivals de théâtre d’été. Les dieux nous jouent de sales tours, comme aux Grecs de l’antiquité leurs propres divinités, mais ils avaient parfois, eux, des héros à leur mesure. À défaut, nous avons besoin de sagesse et de sérénité, nous avons besoin de sortir de la sidération par la réflexion, nous attendons un discours de raison face à la surenchère démagogique et à la peur qui l’anime. Nous avons besoin que le pays sache clairement où sont ses intérêts et où est son avenir.