UN GÉNIE DE LA DANSE DISPARAÎT.

L’une des grandes figures de la danse contemporaine disparaît à son tour. Merce Cunningham, l’homme qui déclarait : « le sujet de la danse, c’est la danse elle-même », aura passé sa vie à mettre en œuvre cette conviction acquise dès 1945. [Event_cunningham1|/public/Event_cunningham1]

Tout son travail va en effet s’orienter vers des collaborations avec les plus grands artistes de son temps, mais dans l’indépendance des propositions formelles des uns et des autres. Ce sera au spectateur de rassembler les fils épars de la musique s’il s’agit de John Cage, de peinture ou d’installations s’il s’agit de Jaspers Jones ou de Rauschenberg. C’est que dans le New-York des années cinquante, ceux-là inventeront un genre artistique singulier, le « Happening » qui connaîtra une fortune certaine ensuite. Les mêmes inventeront dix ans plus tard, les « Events », ces séquences aléatoires de musique et de danse que les musiciens ou les danseurs interprètent dans l’ordre qui leur plaît. Cunningham, du reste , utilisait souvent un jeu de dés pour décider l’ordre des pièces à danser. Plus tard encore, il se servira de l’ordinateur. C’est que pour lui, la danse est une chose abstraite, liée au mouvement du corps et à lui seul, elle n’illustre rien et surtout pas la musique, ne raconte rien, ‘exprime ni histoire, ni intention. Débarrassée de tout argument esthétique ou psychologique, elle n’en produit pas moins, et c’est cela qui est fascinant, une beauté singulière, celle d’un art à l’état pur. Par ailleurs, même s’il y a de nombreux danseurs sur le plateau, cela ne ressemble en rien à ce qu’on appelle une chorégraphie, ici chaque danseur est le centre de la représentation qui devient quelque chose d’aléatoire et de léger dans une rencontre de hasard. Tel est l’art supérieur de cet artiste qui ne travaillait qu’avec des musiciens, des plasticiens, des compositeurs vivants dans une complicité qui s’est étalée sur une vie entière. Le Parvis avait eu la chance de pouvoir accueillir en 2003 un « Event » de la « Merce Compagnie » grâce à Bénédicte Pesle qui était son introductrice en France. L’étonnement pour nous fut qu’après le spectacle, il appela sa compagnie depuis New-York, il voulait savoir comment cela s’était passé et demanda à parler au directeur de la salle pour remercier de l’accueil. La voix était simple et chaleureuse, directe avec cette simplicité des plus grands. Tant de prévenance et de professionnalisme, rarissimes à ce degré, laissent pantois et donnent le sentiment supplémentaire s’il en était besoin que Merce Cunningham n’était pas seulement un génie de la danse, c’était aussi un homme d’exception.

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