C’est la mention, au bas d’un faire-part de décès que j’ai reçu ces jours derniers. Je suis comme tout le monde, ce genre de « faire-part » au printemps, comme disait Jacques Brel, m’attriste. C’est vrai que « c’est dur de mourir au printemps » quand la vie renaît partout, dans les arbres, les plantes, les fleurs et qu’on a envie d’ouvrir ses poumons et de respirer le grand air.
Alors, pourquoi « ni fleurs, ni couronnes » ? Je veux bien que l’adieu à la vie se paye d’un renoncement à la beauté et à la vie vivante des fleurs, quant aux couronnes, il s’agit comme on sait d’un vieil usage et n’était la forme de certains bouquets, on ne les évoquerait plus guère. Mais ce qui m’interroge, c’est que ce n’est pas la première fois que je lis ces lignes. À vrai dire, parcourant distraitement les pages des journaux où figurent de telles annonces, j’ai lu cette mention de nombreuses fois déjà. Alors pourquoi ? On m’expliqua que c’était un geste de modestie, d’humilité, un geste social en somme. Et bien souvent, on ajoutait que les défunts ou leurs proches proposaient, à la place, d’envoyer des dons à des œuvres caritatives ou à de bonnes œuvres comme on dit. C’est égal, voilà une bien belle intention, mais elle attriste encore un peu plus. Certes, le temps est fini « des petits corbillards de nos grands-pères qui suivaient la route en cahotant » comme nous le chantait Georges Brassens qui ajoutait : à cette époque, « les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul ! » Ah la verdeur de Brassens, comme elle aurait besoin de refleurir par ces tristes temps où l’on meurt sans fleurs et souvent sans pleurs. C’est une autre époque ! Mais il est une autre conséquence à laquelle je n’avais pas pensé et qu’un ami fleuriste, m’a représentée (comme on dit en langage fleuri) : « tu vois m’a-t-il dit, cette mode, car c’est une mode de cette époque si généreuse avec ses lointains et si parcimonieuse avec ses prochains, est en train de tuer notre profession. » « Tuer, lui dis-je, comme tu y vas ! » « Tuer, je te dis, car les enterrements représentaient autant et plus que les mariages, la moitié de notre chiffre d’affaires. Il est vrai que les nouveaux mariages sont souvent fleuris, mais ce n’est pas pareil, pour un enterrement, la dépense faisait partie d’un rite social où la générosité l’emportait sur la pingrerie ordinaire. Eh bien, regarde autour de toi. Où sont aujourd’hui les grands et surtout les petits fleuristes qui embaumaient le coin des rues ? Aujourd’hui, mon ami, dit-il, il n’y a plus qu’Internet et les fleurs des champs qu’on ramène le week-end, chez soi ! » Un bon conseil, tâchez donc de ne pas mourir encore si vous aimez les fleurs, les temps changeront, mais comme on dit, il faudra du temps à moins que nous concluions définitivement avec tonton Georges : « Elles sont révolues/ Elles ont fait leur temps/ Les belles pom,pom,pom,pom,pom, pompes funèbres/ On ne les r’verra plus/ Et c’est bien attristant/ Les belles pompes funèbres de nos vingt ans. »