MUSEE DE L’HOMME

Passé un peu inaperçu dans le flot des informations émotives qui nous secouent tous les jours, l’ouverture du nouveau Musée de l’Homme à Paris mérite cependant un commentaire. Fermé pendant 6 ans après le déménagement de ses collections ethnologiques transférées au Musée du Quai Branly avec celles du musée des Arts Africains et Océaniens et après avoir connu la révolte des personnels scientifiques qui s’opposaient à sa redéfinition, voici que s’ouvre ce tout nouveau musée dans l’aile Passy du Trocadero. Une visite s’imposait, et si, d’entrée, le caractère « moderne » de l’ensemble change le regard qu’on avait sur ce lieu sombre et poussiéreux d’antan, l’impression qu’on en reçoit est double. D’une part, on se réjouit de la lisibilité de l’espace et des collections. La nouvelle muséographie a fait des progrès gigantesque sur la présentation des choses : tout est plus clair, plus séduisant, plus pédagogique, mais c’est peut-être là que le bât blesse.

Relevons d’abord ce détail qui n’en est pas un : ce sont les vrais objets qui sont présentés au regard, de la préhistoire à nos jours. Bien sûr, il y a les tableaux explicatifs, les moulages, les cartels, mais c’est la vraie « Vénus de Lespugue » qui est visible, c’est la vraie « Dame de Brassempouy » véritables icônes de la préhistoire que l’on voit et si le crâne de Descartes est un peu loin en haut d’une vitrine, c’est bien de lui qu’il s’agit. De ce point de vue et je passe sur les crânes, les os et autres objets, les scientifiques ont eu à cœur, avec le risque inhérent de les voir quitter leurs laboratoires, de montrer les choses, les œuvres d’art, les documents. Non, ce qui retient ou étonne, c’est l’accompagnement pédagogique qui semble souffrir de ce « pédagogisme » qu’on voit aussi à l’œuvre dans les programmes de l’Éducation nationale, cette façon de mettre les points sur les i, de souligner les intentions qui ne sont à tout prendre que l’expression de l’idéologie de notre temps et non une approche critique et pour le coup vraiment scientifique. On comprend mieux les choses lorsqu’on s’avise de relever que ce musée est placé sous la triple tutelle de l’Enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi du ministère de l’écologie du développement durable. Chacun y a donc mis son grain de sel ou sa préoccupation. Cela donne à peu près ceci : L’homme est un et multiple, toutes les déclinaisons de son identité sont culturelles ainsi que le genre. Les « cartels » sont à cet égard explicites, on peut lire : « Ainsi la nature, telle qu’elle est perçue en Europe, n’est pas universelle et la définition de l’homme par rapport à d’autres espèces est notamment étrangère à bien des peuples ». C’est le ton général, il faut surtout expliquer que la conception occidentale traditionnelle des sciences de l’homme et de l’histoire était fausse, trop europeo-centrée que, désormais, on a replacé l’homme en général au sein du vivant en dépassant le savoir particularisé des savants de l’occident jusqu’au XX° siècle. Qu’en conclure ? Que tout se vaut ? Peut-être. Le relativisme culturel sur fond de multiculturalisme a là sa vitrine scientifique, la culture y est envisagée uniquement sous sa forme anthropologique et on nous présente une parfaite évolution darwinienne avec force cartes, tableaux, écrans interactifs qui mettent l’homme dans la continuité parfaite du règne animal. Suit une précision : « Dans la pensée européenne, seul l’homme est sujet doté de pensée. Cela s’inscrit dans une histoire née dans la Grèce antique développée avec le Christianisme et trouve son point d’orgue dans la pensée scientifique du XVII° siècle dont Descartes est la figure centrale. » A cela, on oppose d’autres systèmes de compréhension du monde comme le totémisme où c’est l’animal qui désigne l’homme. Observation d’une maman qui accompagnait sa petite fille et qui avait bien compris : « tu vois ma chérie, les animaux sont comme les hommes, et il y en a qui soutiennent encore que les animaux ne pensent pas ! »La petite fille se le tint pour dit et moi je songeais en regardant le crâne de Descartes : « je pense donc je fuis ». On imagine les ravages de ce type de présentation avec les cohortes d’enfants qui vont se succéder dans ce lieu, par ailleurs fort bien aménagé. Vient enfin la théorie du genre sous le titre : « On ne naît pas homme ou femme, on le devient » : « Être une femme ou un homme, ce n’est pas une simple donnée naturelle qui serait indépendante des cultures.» elles sont donc artificielles, suivent des exemples de la définition des genres : la sexualité ne se voit pas, le genre si, parce qu’il est social. Imparable ! Tout cela mériterait peut-être d’être discuté, voire explicité, ce que ne peut faire une simple exposition. On sent à chaque pas, la volonté d’être politiquement correct ; Ce n’est pas faux, mais cela ne stimule guère l’esprit critique. Et que penser de cette vierge de Lourdes présentée à côté d’un « masque ventre » africain et des amulettes pour expliquer l’idée que les peuples se font de la conception et de l’immaculée conception, un clin d’œil, une façon de montrer que toutes les icônes se valent, mais aussi une provocation pour les croyants. Un adulte en sourira, un enfant, qu’en pensera-t-il ? Tels sont les paradoxes de ce magnifique endroit soumis à l’idée de ce qu’il convient de penser de l’homme, de la société et de la culture d’aujourd’hui. Avait-t-on vraiment peur de laisser chacun se faire sa propre idée des choses ?

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