LÀ OÙ EST LE DANGER…

Encore ! Le premier mouvement est de sidération. Voilà qu’à nouveau les mêmes images, plus terribles encore par le nombre que les dernières fois, viennent nous secouer et nous tirer de la fausse sérénité où nous nous croyons retournés. Ce n’est donc pas fini ! Nous nous trouvons à nouveau dans cet état que connaissent les pays du Moyen-Orient qui ont perdu tout sentiment de sécurité et s’attendent à chaque moment au pire.

La guerre. Le mot a été prononcé, la chose a été nommée. Le Président a dit : « nous sommes en guerre ». Nos aïeux ont connu ça, de manière bien plus tragique certes, mais au début, ça devait être comme ça. Tout d’un coup on a dit : « c’est la guerre » et le monde soudain a changé. Peut-être en a-t-on trop dit. Ces attentats horribles sont des actes de guerre certes, mais est-ce la guerre pour autant ? Cela aurait plutôt à voir avec ce qu’en France, on a appelé pudiquement « les évènements », lors de la guerre d’Algérie, il y a cinquante ans. D’ailleurs, ce n’est pas sans rapport si l’on s’avise de considérer que ces tueurs sont peu ou prou tous originaires d’Afrique du Nord, du Maghreb précisément et même si la plupart sont devenus Français par naissance ils témoignent vis à vis de leur pays d’une haine que leurs aînés ont su, à l’époque dépasser, ce qu’ils n’ont pas été capables d’enseigner à leurs enfants et petits enfants. La haine. Voilà l’autre mot qui est dit. C’est ce sentiment qui inspire bien des commentaires. On se souviendra qu’un film, justement nommé ainsi, avait, il y a vingt ans déjà mis le projecteur sur cet aspect des relations entre Français dans les cités de la banlieue parisienne. La haine des Français et de leur mode de vie. Cette fois, il s’agit d’autre chose encore, car sur ce fond de frustrations, d’incompréhensions, de sentiment d’abandon et trafics crapuleux se greffe une idéologie mortifère qui mêle l’Islam au chaos des empires défaits, des dictateurs abattus et des armées en lambeaux. Daesh est le nouveau nom de cet aimant infernal qui attire toute la limaille impatiente et frustrée, cette jeunesse en quête d’un idéal, d’un combat rédempteur, dont le « Jihad » lui donne soudain l’opportunité. Cela nous ne le savons, hélas, que trop. Il se trouve que dans un pays qui a bâti sa cohésion nationale sur un contrat social dont la religion est exclue, l’élément moral fait à ce point défaut que toute autre religion (ce fut un temps les sectes, aujourd’hui c’est l’Islam) vient offrir ce terreau de croyance identitaire sans lequel bien des gens ne peuvent vivre tranquillement. Car il n’existe pas de religion laïque et c’est heureux, bien qu’un philosophe français l’ait jadis envisagé et du reste exporté au Brésil. Que reste-t-il alors? La cohésion nationale. C’est-à-dire l’amour de son pays, la France. Or cela aura frappé plus d’un observateur depuis maintenant assez longtemps. La France n’est plus aimée parce que pendant longtemps, il a été mal vu d’enseigner à l’aimer ? A-t-on assez moqué le réflexe identitaire, le côté « franchouillard », le chauvinisme. A-t-on assez fustigé, dénoncé, criminalisé le passé de la France. A-t-on assez voué à la repentance du supposé crime des pères, la mémoire des enfants qui n’en peuvent mais ! A-t-on assez refusé d’enseigner le « roman national » dans nos écoles au motif que ce point de vue ethnocentré était de nature à froisser les susceptibilités de beaucoup de Français issus de la diversité, comme on dit par euphémisme. On ne s’étonnera pas (bien que certains s’en soient tout de même étonnés) d’entendre siffler la Marseillaise sur certains stades, que ce qu’on appelait jadis le « patriotisme » soit si mal considéré par ceux qui prennent la parole pour se plaindre qu’on revienne sur cette façon de « faire-France ensemble ». Alors voilà, lorsque j’ai entendu les députés et sénateurs réunis en congrès à Versailles entonner, à l’unisson pour une fois, la Marseillaise, je me suis pris à en écouter attentivement les paroles. Jamais elles ne m’ont paru si justes et si profondes. Car ce chant est une plainte et un cri, un sursaut de conscience. Devant cette manifestation soudaine du sentiment national, je me suis souvenu de ce vers du poète allemand Friedrich Hölderlin qui disait : « là où est le danger, là croît aussi ce qui sauve. » Ce qui sauve, à mes yeux, c’est ce rappel brutal, ce réveil de conscience qui soudain fait que nous nous sentons tous plus Français qu’avant, précisément en raison du fait que ce qui était visé par ces attentats est l’idée que ce pays se fait de lui-même, de son mode de vie et de ses valeurs. Car c’est cela, le choix de la France et ce choix est ouvert à tous. C’est ce qu’il nous faut espérer si nous voulons à nouveau redevenir fiers de ce que nous sommes et capables de résister à la barbarie.

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