IL Y A 40 ANS, LE CENTRE GEORGES POMPIDOU

Il est des mois de janvier qui rendent plus diserts que d’autres. Non point que nous ayons manqué de sujets, mais à tout prendre, aucun ne m’a inspiré au point de me suggérer un propos. J’ai beaucoup voyagé, vu beaucoup d’expositions notamment parisiennes, à la fondation Vuitton la remarquable exposition Chtchoukine, à Beaubourg la nouvelle présentation du fonds d’art contemporain, remarquable, l’exposition de Cy Twombly (l’un des plus belles que j’ai vues et pourtant j’ai même visité son musée à Houston), l’expo Magritte belle mais à mes yeux un peu trop pédagogique », j’ai même vu au Quai Branly ou Musée Chirac comme on dit maintenant, l’exposition de la collection d’arts premiers de quelqu’un qui fait la une des médias pour d’autres motifs que ceux-là: Marc Ladreit de La Charrière. Outre un beau nom d’ancien régime, ce dernier porte aussi l’attention aux arts que célèbre le fameux musée. On y admire des chef d’œuvres d’art nègre surtout, mais à regarder de près les choses on s’aperçoit que cette collection n’a qu’un peu plus de dix ans. Bigre, comment faire une collection en si peu de temps? On s’aperçoit alors que 80% des pièces viennent de la galerie d’un célèbre marchand parisien. Bref tout cela sent un peu la salle des ventes et le catalogue des achats d’une personne qui a de l’argent. Y découvre-t-on une ligne directrice, un sens? Je ne l’ai guère trouvé, l’éclectisme et le prix supposé de ces œuvres fait l’intérêt de la collection. On aura compris de quoi il retourne. On hausserait les épaules pour un peu moins, ce qui étonne en revanche c’est la publicité qu’en fait le Musée du Quai Branly? serait-ce le tribut à payer à un grand mécène. Bref en ce début d’année, Paris était une fête pour les yeux et les spectacles n’étaient pas en reste.

Et puisqu’on parle du Centre Pompidou dont on fête l’anniversaire des 40 ans puisqu’il s’est ouvert un 31 Janvier 1977, c’est l’occasion d’en reparler.L’inauguration de ce Centre culturel hors normes a été faite par Le président Giscard-d’Estaing, lui qui n’était guère un fanatique des arts contemporains, son goût le portant plutôt vers le Musée d’Orsay qui serait lui (ironie de l’Histoire inauguré par François Mitterrand) mais ainsi vont les choses : les idées, surtout les plus novatrices, ont besoin du temps pour se réaliser. Or novatrice, cette idée l’était : ouvrir à plus de 700 architectes du monde un concours pour concevoir non pas un Musée de plus dans la capitale française, mais un Centre culturel d’un nouveau genre qui mêlerait les arts plastiques, la musique, la lecture, l’audiovisuel et la création industrielle, voilà qui renouait presque vingt ans après avec l’impulsion décisive que Malraux avait donnée à la culture. Le choix de l’équipe Piano-Rodgers déchaîna les polémiques. Que n’a-t-on entendu alors : usine à gaz, raffinerie (en raison des tuyaux bleus qui transportaient les fluides), paquebot fou, en raison des manches à air qui sortaient sur la place, les architectes avaient renoncé à bâtir sur la totalité du terrain pour ménager une Piazza qui rassemble aux beaux-jours les baladins, et autres cracheurs de feu ou de parole pour le grand bonheur des badauds. Et il ne faut pas croire que ce furent les conservateurs de droite qui étaient le plus contre, les conservateurs de gauche l’étaient tout autant. Lorsqu’on relit ce qui s’est écrit à l’époque on est étonné de voir les gens s’affronter à front renversé. C’est que cet établissement novateur mit le monde culturel cul par dessus tête. J’ai eu la chance de pouvoir assister à cette inauguration par je ne sais quel entregent, sans doute parce que j’avais ouvert à Tarbes trois ans plus tôt un Centre culturel innovant lui aussi au sein d’une grande surface. Audace et innovation valait viatique en la circonstance. Plus de cinq mille personnes remplissaient l’Atrium au coude à coude, Valéry Giscard d’Estaing pérorait et le portrait du président Pompidou réalisé par le plasticien Victor Vasarely en lamelles de métal inscrites dans un hexagone qui symbolisait la France surplombait ses successeurs avec ce sourire ironique qui était sa marque. On s’écrasait pour avancer et il fallut filtrer la foule qui ne rêvait que d’une chose, emprunter l’immense escalator extérieur qui donnait d’un côté sur la Bibliothèque publique, sur les salles d’exposition, sur le centre de création industrielle, de l’autre sur Paris et d’où l’on voyait émerger, à côté de la fontaine de Niki de St Phalle et de Tinguely, l’Ircam de Pierre Boulez. Que la France était belle quand elle se hissait ainsi au prix de mille difficultés dans l’audace de ses projets au sommet de l’ambition artistique. On sait ce qu’il en fut depuis, dans ce cas comme dans d’autres semblables, la polémique s’arrêta devant le succès public (on songe par exemple à celle qui a suivi la création de la Philharmonique de Paris à la Villette, il y a un an : 90% de remplissage là où on disait que ça ne marcherait jamais). La France aime l’audace, a besoin de l’audace et Paris a besoin de ce rayonnement. Il l’a obtenu avec des expositions magnifiques : Paris-Berlin, Paris-Moscou, les Magiciens de la terre. Oubliée le défunte école de Paris dont on se gaussait, aujourd’hui le Centre Pompidou présente plus de 100 000 œuvres de 6000 artistes, il dépasse les 4 millions de visiteurs par an, il est l’un des plus grands musées d’art contemporain du monde avec le MOMA de New-York et la TATE MODERN de Londres. On se prend à rêver. Paris à cette occasion est monté d’une marche, mais partout ailleurs, là où l’audace prévaut et assume l’ambition c’est la même chose. Le Centre Pompidou à Metz ou le Louvre à Lens l’illustrent. On dit souvent que ça coûte cher, mais au fait, où en était la France du point de vue économique à l’époque ? Tellement brillante qu’elle devait instaurer le contrôle des changes, c’est dire. La culture n’est en rien un luxe mais un fameux dopant de l’ambition d’une nation. On n’en dira pas davantage.

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