IMPRESSIONS D’ITALIE AU PARVIS DE PAU

Devant la photo nous recevons une impression comme le photographe devant un sujet, mais qu’est-ce au juste qu’une impression. À première vue, l’impression désigne le résultat du tirage d’un cliché photographique qui s’imprime sur papier. Au second degré, c’est une image associée à un mot, une idée, une représentation mentale liée à la perception d’un objet auquel cette idée ou ce mot renvoient.[((/public/FILLE_VESPA.jpeg|FILLE_VESPA.jpeg|C|FILLE_VESPA.jpeg, sept. 2017))|/public/FILLE_VESPA.jpeg||FILLE_VESPA.jpeg]

Ce mot ; ce sésame, c’est « Italia ». Un mot qui pour toute une génération d’après-guerre signifie quelque chose. Cela renvoie d’abord au cinéma, celui du néo-réalisme comme celui de l’avant-garde, des Fellini, Antonioni, Visconti, Pasolini, ces cinéastes qui vus de l’extérieur et malgré leurs différences stylistiques sont encore pour nous, ceux de la « Dolce Vita », des corps libérés, des femmes à la fois fatales et familières, des jeunes filles à vespa et des machos en Alpha Romeo rouge, une Italie de cinéma en quoi se précipite l’image qui se lève en nous au mot « Italia ». C’est dire que Claude Nori, Italien de Toulouse, c’est-à-dire, français de sensibilité italienne pour qui l’Italie est à la fois une mémoire et une espérance, n’échappe pas plus que d’autres de sa génération aux images et aux clichés qui savent si bien rendre visible ce « mythe » et cette réalité entremêlés. Est-ce à dire que ce qu’il photographie ne soit pas la réalité ? En aucune façon, mais sa photo est une approche du réel qui privilégie la sensation et l’émotion sur le constat. Ce qu’elle délivre, c’est quelque chose du désir, de la mémoire et de l’histoire. Elle raconte plus qu’elle ne constate. Et pourtant, il s’agit d’instantanés pris sur le motif. Oui, mais voilà, lorsque Claude Nori participe en 1984 à cette première campagne de photographie subjective sur le territoire italien, il est le seul photographe « français »de la bande. Et c’est pourquoi ce « Viaggio in Italia » est si singulier, si personnel, si sensible. Ce qu’il nous livre, c’est précisément ce qu’on s’attend « culturellement » à voir, il donne une forme perceptive à notre sentiment. Regardons cette jeune sicilienne à Vespa, cette autre adossée à une Alpha fumant distraitement une cigarette américaine et cela donne une image assez nette de la liberté nouvelle des femmes dans l’Italie décorsetée de son catholicisme de mantilles et de processions où le néoréalisme les avait enfermées. Des femmes, oui, mais surtout des jeunes filles, ces petites femmes en devenir qui justement miment autant qu’elles expriment la féminité et la liberté, non en tant qu’elles l’incarnent mais en ce qu’elles en expriment le désir. Sur ce registre, Claude Nori est inimitable car ce qu’il saisit, c’est la beauté de la jeunesse, sa promesse et sa fragilité. Audace des postures et des regards, effronterie des gestes ou liberté des enlacements amoureux, tout est là. Il y manquerait toutefois quelque chose s’il n’y avait la plage. La plage, le grand révélateur de l’hédonisme de l’époque : « Spiagge Italiani », le cinéma de la vie comme au cinéma. C’est très difficile de réussir ce genre de chose sans tomber dans le genre cinématographique avec de l’image photographie. C’est ce que réussit Claude Nori et ce d’autant plus que le cinéma italien à cette époque est en crise, la télévision est en train de le détruite, Fellini a le plus grand mal à tourner des films comme « Ginger et Fred » ou encore « Intervista », la période suivante sera celle de Sergio Leone d’un côté et de Nanni Moretti de l’autre. La « Dolce Vita » ne sera plus que ce souvenir terrible de Mastroiani vieilli et d’Anita Ekberg devenue monumentale rejouant la scène inoubliable de la fontaine Trévi en sépia et en regrets. C’est dire alors que ce que Claude Nori capte de cette période, c’est de la mémoire tout autant que du réel, c’est comme une fin d’été : le soleil est encore chaud sur la plage mais on pressent déjà l’automne, c’est un été un peu nostalgique, mélancolique et néanmoins encore joyeux et c’est là toute le séduction de cet « Été Italien ». EXPOSITION DU 10 SEPTEMBRE AU 28 OCTOBRE Parvisespaceculturel à Pau

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