ALORS, CONTENTS D’ÊTRE RENTRÉS ?

Il faut aimer la rentrée (cette particularité française) parce qu’on revient chez soi si l’on est parti un peu longtemps avec le sentiment d’avoir échappé à quelque chose. Je ne sais si vous l’avez remarqué, mais en cette saison, on court le risque de mourir asphyxié par des incendies monstrueux, des tremblements de terre inédits, des tornades, des noyades superflues, on fait des chutes en montagne dont on serait préservé si l’on restait chez soi, bref on a tenté de redevenir un homme (ou une femme) des temps préhistoriques où la survie dans la nature était un problème quotidien à ses risques et périls et on est bien content d’en être revenu sain et sauf.

Cela est si vrai que la télévision elle-même, en fait son ordinaire. Regardez cette émission qui s’appelle : Koh-Lanta, déjà le titre a quelque chose d’effrayant quant à la réalité, elle consiste à voir comment de sympathiques trentenaires qui ne penseraient d’ordinaire qu’à jouer au tennis ou à faire un bon gueuleton entre copains, mis en état de manque, sont près de s’entretuer pour survivre, à s’éliminer sans états d’âme de la surface de la terre pour figurer dans une finale télévisée. Barbarie moderne et mœurs anthropophages qui nous rappellent que l’homme est et reste un loup pour l’homme. Bref, les vacances nous révèlent l’homme à l’état de nature dans toute son horreur. Il n’est que de regarder les campings où l’on se dispute le moindre mètre carré de pelouse, où des hommes taillés en hercules lancent de petites boules de fer les unes contre les autres pour déloger celle qui est le plus près du cochonnet : ôte-toi de là que je m’y mette. Quant aux terrasses des cafés où d’ordinaire il n’y a pas un chat, tout le monde s’y presse en même temps et il faut faire la queue pour avoir une bière ou pour manger un sandwich. Vous pensez que c’est une vie ? On en revient contrarié, asséché, déplumé, vidé, fatigué, exaspéré. On se dit : ah vive la rentrée qu’on retrouve enfin son chez-soi, ses habitudes, ses certitudes. On va enfin pouvoir s’occuper du gouvernement qui nous a fait de sales coups pendant qu’on bronzait, on va enfin pouvoir défiler avec les syndicats, refaire le monde dans les médias, se préoccuper du sort des pauvres et des malheureux qui fuient les guerres et la misère, évaluer le nombre de morts noyés pendant la traversée vers l’Europe en profitant de la belle saison et trouver des coupables à tout cela. Non vraiment, les choses sérieuses ne recommencent qu’à la rentrée. Ah, j’y pense, maintenant qu’on va pouvoir s’occuper de soi et un peu moins des autres, ceux qui vous prennent la place au restaurant, au café, sur la plage ou dans la piscine, on va faire le compte de ses bobos, le résultat des coups de soleil, des maladies de peau, du stress des vacances, celui de n’être pas parti où il faut, quand il faut, ou d’en être revenu trop tôt, on encore celui d’avoir le sentiment de dépenser son argent pour rien, enfin, toutes ces causes qui font que l’on cause de tout et de rien en attendant son tour chez le médecin ou le dentiste car comme on sait ces professions, en été, sont aussi en vacances et n’échappent au lot commun que sur un point, se soustraire aux récriminations des patients. Alors la rentrée, pensez-vous, quel bonheur, on revient aux bonnes vieilles habitudes, on va chez son boucher, son boulanger qui vous voir revenir avec le sourire d’un caissier qui attend sa monnaie, tout le monde a l’air ravi de vous voir : vous avez bonne mine. Dame, vous étiez en vacances. Et les petits ? Ça va-t’y toujours bien ? Ont-ils fait leur rentrée les chers anges ? Enfin on se préoccupe de vous, on a le sentiment d’exister tandis que pendant l’été, l’avez-vous remarqué, personne de connu, on ne rencontre que des étrangers en vacances. C’est un monde tout de même !

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