« J’ai toujours vu le monde changer et changer les idées que l’on s’en fait » déclarait un philosophe âgé et qui en avait vu bien d’autres. La phrase, en soi, ne manque pas de bon sens. Les évènements nous changent plus vite peut-être que le monde ne change lui-même.
Regardons cette seule année 2011. De Décembre à Décembre, nous aurons vu les révoltes éclater dans le monde arabe, les esprits et les corps s’enflammer, la jeunesse faire irruption dans l’espace public, les forces armées pactiser après un temps de stupeur puis quelque chose comme une consultation démocratique se mettre en place, en général pas assez vite au goût des acteurs, mais enfin, nous pouvions nous dire : « voilà la démocratie qui avance ». En un sens, c’est vrai et dans un autre…Le résultat, c’est la victoire dans les urnes, à peu près partout, des forces islamistes. Nouvelle stupeur. On aurait pu s’en douter, la sociologie montre clairement que les tendances lourdes mettent du temps à se retourner. Il y eu l’Iran, il y a trente ans, l’Algérie, il y a vingt, les attentats d’Al Quaida, les guerres, mais plus que tout, l’explosion démographique et le chômage. Le résultat est là. Les peuples de ces pays choisissent la religion quand ils en ont l’opportunité, subissent les dictatures quand ils ne peuvent pas faire autrement, se révoltent quand ils n’en peuvent plus. Qu’en penser ? Loin des coups de menton et des positions avantageuses adoptées lors de l’affaire de la guerre en Lybie, il reste que l’orient est bien compliqué et qu’on n’y change finalement pas grand chose. Était-ce bien le moment de se lancer dans ces votes, toujours un peu démagogiques concernant les lois mémorielles. Le débat a déjà eu lieu en France et dans les mêmes termes, il y a peu, sur le même sujet. Pénaliser l’histoire, de surcroît lorsque nous ne sommes même pas partie dans le débat c’est adopter une posture bien risquée. Les historiens ont dit ce qu’il y avait à dire : les politiciens n’ont pas à réécrire l’Histoire. On pouvait penser qu’avec la fin du Chiraquisme, on en avait fini avec la repentance et les lois mémorielles, le présent nous suffisant bien. Mais non, calcul électoral, impatience des donneurs de leçons, volonté de rouler des mécaniques : nous, le pays des Droits de l’Homme, droite et gauche à l’unanimité, aucun ne voulant laisser l’avantage du terrain à l’autre, nous avons voté. Bref un calcul qui évoque le dicton selon lequel, celui qui crache contre le vent prend le risque de recevoir ce qu’il envoie dans la figure. Quand donc les politiques comprendront-ils qu’ils jouent avec le feu ! N’ont-ils pas assez à faire avec la crise. Voilà une année maintenant que les dettes des États souverains font peser de lourdes menaces sur la stabilité des peuples et la santé des nations. Déjà, il y avait eu la crise des « subprimes » avec la dette des ménages américains. Dans les deux cas, les banques avaient été et sont à la peine. Les États sont condamnés à prendre des mesures de plus en plus drastiques qui contraignent les peuples et, de loin, la Chine que nous avons instituée « atelier du monde » nous regarde avec les yeux dont les Allemands regardent la Grèce. On aurait pu prévoir que cela se passerait un jour ainsi. Maintenant on reparle de la re-industrialisation de la France après avoir bradé des pans entiers de notre économie dans une économie-monde qui aujourd’hui nous échappe. Entre temps, nous aurons perdu les savoirs faire et les marchés. Mais dans cette affaire patronat et syndicats sont à mettre dans le même sac, chacun cherchant à maximiser les avantages et menant la politique du pire. Le résultat on le connaît : tout est à rebâtir. La France a montré dans l’histoire ses capacités de rebond, c’est une affaire entendue, mais il faudrait qu’un jour, le sentiment national l’emporte enfin sur les conflits de classe ou d’intérêt si nous ne voulons pas sombrer définitivement. Mais là, nous avons encore du travail et ce n’est pas le climat de cette élection qui s’annonce, ce climat de guerre civile que nous pourrions appeler, guerre civile civilisée, qui va changer quelque chose. Depuis des mois, on voit la presser et les media harceler sans cesse les candidats potentiels avant la grande confrontation, comme si c’était là l’essentiel, comme si le fait d’avoir un gouvernement de gauche ou de droite allait changer quelque chose à l’ordre du monde. À tant vouloir faire croire qu’il nous faudrait l’homme ou la femme providentiels, on en vient à produire toujours la même déception, la même mélancolie démocratique. Ce n’est jamais bien, jamais assez, jamais ce qu’il faut. Le fin mot de l’histoire avait été dit par le Président Kennedy je crois : « ne vous demandez pas ce que le pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le pays ! » Mais notre pays de râleurs et de quémandeurs d’aide publique a du chemin à faire avant d’en arriver là. J’admets que ces propos sentent un peu le café du commerce, j’en conviens, mais comment dire, ça fait du bien de râler un peu de temps en temps contre les râleurs permanents !