On se souvient de cette polémique ouverte au début du quinquennat sur l’opportunité ou non de mettre « la Princesse de Clèves » au programme de certains concours administratifs de catégorie élémentaires au motif que ces références culturelles étaient de nature à discriminer ceux qui n’avaient pas fait des études en rapport. Tollé dans les milieux culturels et intellectuels, pétitions, lectures publiques de l’oeuvre dans les écoles, rondes de protestation devant la Sorbonne, stigmatisation des goûts culturels du nouveau président de la République.
On observera qu’une mesure similaire, prise plus tard par les dirigeants de la prestigieuse Institution des Sciences Politiques, excluant de leur concours l’épreuve dite de culture générale pour exactement les mêmes motifs ne recueillit que quelques protestations isolées et passa derechef pour une décision progressiste dans les mêmes milieux. On se convaincra donc que le motif de l’indignation comptait moins que le désir d’indignation qui disait autre chose qu’une opinion sur la Princesse de Clèves, qui exprimait en fait, une opinion politique, ce qui était clair pour le moindre observateur impartial. Mais laissons là cette querelle. Je suis tombé récemment sur un passage concernant la princesse de Clèves dans un roman paru en 63 dont je tais le nom de l’auteur, laissant à mes lecteurs le soin de le découvrir. Si tel n’était pas le cas, je le donnerai sur mon blog dans une prochaine chronique. Et voici ce que je lis : « La Princesse de Clèves nous emmerde et nous stérilise depuis trois siècles. Je l’enterre. Sais-tu pourquoi la Princesse de Clèves plaît tellement aux esprits médiocres ? C’est parce que c’est un mauvais roman, sommaire, empesé, qui ne suggère rien, qui n’émeut pas, où il n’y a rien de vrai. Pour ma part, je n’y vois aucun génie, mais l’ouvrage laborieux d’une dame qui avait la chance d’avoir l’excellente éducation du XVII° siècle et de bien connaître la langue. La Princesse de Clèves, c’est du Paul Bourget, mon vieux. C’est creux et distingué. Le contraire des gens que nous aimons. Le contraire de Saint Simon, de Balzac, de Proust, du Père Hugo, même de Mérimée et de Stendhal. C’est aussi écoeurant que Paul et Virginie…Avoue que c’est étonnant, quand même, que la Princesse de Clèves ne soit pas oubliée depuis trois cents ans, qu’on n’ait pas au moins, coupé la tête de cette salope à la Révolution. Mais non. Elle est toujours là. Empaillée. Tenant la pose sans une crampe depuis trois siècles. C’est le plus bel ornement du musée Grévin de la littérature française. Elle trouve toujours une femme de ménage pour épousseter les toiles d’araignée de son vertugadin. Il y a toujours un imbécile de la Sorbonne pour expliquer qu’elle incarne » le subtil point d’équilibre de la grâce et de la mesure française ». Ce qui, entre nous, est une monstruosité. C’est la personne la moins gracieuse et la moins raisonnable qu’on puisse trouver. Raide comme un manche à balai, dragon de vertu, rendant la chasteté ridicule à force d’exagération. Le genre de punaise de sacristie à faire damner un saint. Je serais curieux de savoir pourquoi il y a toujours une demi-douzaine d’écrivains par génération qui éprouvent le besoin de refaire la Princesse de Clèves, c’est-à-dire d’écrire un petit roman sec, léché, insignifiant, « bien français », où la noblesse des sentiments le dispute à la gravité du style…Je hais ce genre de folklore…Rien n’est irritant pour le bon ouvrier comme d’assister au triomphe de la camelote. Une camelote qui a du succès pendant trois siècles, il y a bien là de quoi vous remuer la bile. Etc… » Alors ? De qui est ce joli pamphlet, cette sortie d’humeur ? Réponse au prochain billet!