DOUBLE PATERNITÉ

Souvent les fils sont à la recherche de père (de mère aussi s’entend) mais pour le cas qui nous intéresse, nous prendrons la chose sous son angle métaphorique en observant l’actualité immédiate.

En effet,l’actualité, bonne fille, vient de nous servir deux images qui appellent au commentaire : la cérémonie de dépose de gerbes du 8 Mai à l’Arc de triomphe et les autres « sorties » qui ont suivi, où l’on a vu un François Hollande, plus jovial que jamais, prenant, l’épaule, puis le bras, puis le cou, pratiquant l’accolade à ce nouveau Président, fils prodige ou prodigue qui sait, qu’il avait élevé, accueilli et qui l’avait abandonné. Son retour, visiblement lui fait plaisir et il le montre non sans rouerie. L’autre image est celle de François Bayrou rendant publique la crise ouverte par le Modem pour l’octroi des circonscriptions électorales. Après avoir été le père protecteur sur les estrades, voici le père en colère, le « faiseur de rois » qui à défaut de l’être lui-même n’entend pas qu’on ne lui rende pas ses devoirs. En face, il y a l’enfant surdoué qui veut désormais se passer de pères. L’un et l’autre viennent de lui rappeler que ce n’est pas si simple que cela. D’abord le tribut à payer à cette généalogie putative se marque en postes électifs et en emplois régaliens. On ne sait pas tout, on saura peut-être, mais il serait étonnant que cela ne se passe pas comme d’habitude en France où une fois les effets d’estrade oubliés, la logique du pouvoir reprend ses droits. Le premier père n’a pas encore grondé, il a souri de ce sourire plein de finesse de chat qui sait attendre le moment de prendre la souris, l’autre a fait les gros yeux pour s’assurer tout de suite du paiement d’une dette qu’il nie avoir contractée ; tout cela étant implicite. C’est que ce jeune Président ignore tout simplement qu’en Béarn on parle trois langues : le Béarnais, le Français et le Sous-entendu. À trop avoir arpenté les Hautes-Pyrénées, il aura négligé les différences de subtilité d’un département à l’autre. Dès lors, cet enfant couvé sinon élevé par deux pères-mentors politiques, qui entendent le lui rappeler à l’occasion, va avoir un jour ou l’autre à accomplir cette épreuve dont Freud faisait la marque de l’entrée dans l’âge adulte : le meurtre du père. La question est de savoir par lequel il va commencer et quand ? De ce meurtre initial et réel Freud fait découler la fondation de la société (Totem et Tabou) de ce meurtre symbolique, découle la politique. Les exemples abondent, on se rappellera, Mitterrand, Chirac, Giscard et tant d’autres qui sans avoir été Pierre le Grand ou Gaston Phœbus ont un jour où l’autre sacrifié leur descendance de manière réelle ou symbolique. Le théâtre et l’histoire sont remplis de l’illustration de ce mécanisme exposé par Freud dans « Moïse et le monothéisme ». Mais lit-on encore Freud et prend-on toujours la psychanalyse au sérieux ? De toute manière, les observateurs que nous sommes en seront réduits à interpréter les images comme hier on interprétait les signes puisque les vraies raisons sont toujours inapparentes et que les média se sont transformés en producteurs d’images à leur tour délaissant celui d’aruspices. Mais nous n’en sommes pas encore là, il ne faut pas brûler les étapes si l’on veut conserver le suspense, règle d’or de toute bonne histoire, mais nous voilà désormais abonnés aux épisodes suivants.

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