PAS DE LOTO POUR LOTI !

L’information vous aura peut-être échappé, mais à peine apprenait-on qu’un loto destiné à soutenir des bâtiments du patrimoine dignes d’intérêt et menaçant ruine que nous apprenions que l’un d’entre eux, la célèbre demeure baroque de l’écrivain Pierre Loti à Rochefort qui allait être choisie pour le lancement de l’opération par le président de la République, se trouvait au centre d’une polémique.

Une association de revendication mémorielle comme il s’en est constitué tant depuis quelques années s’y oppose au motif que l’auteur « d’Azyadé », son premier roman où il conte les amours d’un jeune officier avec une beauté de Harem dans la Turquie des sultans est accusé non de « turcophilie » (ce qui était dans le vent de cette époque) mais de propos antisémites et anti arméniens, il y a de cela un siècle et demi. Tant qu’on y est on pourrait aussi l’accuser de détournement de mineure et de perversion sexuelle. C’est que la compétition des mémoires et le devoir de repentance, ont peu à peu pris le pas sur l’Histoire et le temps. Il n’y a plus une seule situation aujourd’hui qui n’encoure les foudres de ces redoutables et vigilants censeurs organisés en associations, groupes de pression et autres réseaux sociaux. C’est ainsi que les mêmes veulent débaptiser non seulement les Lycées, les rues, les places portant le nom de Loti, mais encore ceux qui portent le nom de Colbert au motif que ce ministre aura rédigé, il y a 400 ans le « code noir » qui fixe les dispositions réglant la vie des esclaves ce qui nous apparaît aujourd’hui comme une ignominie mais qui était à l’époque une disposition fixant des droits et devoirs à ceux qui étant sans droits car purement et simplement considérés comme des marchandises. Ce dispositif qualifié, depuis la loi Taubira de 2001, de crime contre l’humanité, aboutit au fait que les mêmes réclament la disparition de ce nom de l’histoire de France, le changement des noms de rues qui le mentionnent et la relégation des statues dans la profondeur des musées. On imagine, la place laissée vide devant la colonnade de l’Assemblée nationale par la disparition de l’effigie de ce grand commis de l’État ! On ne saurait être plus anachronique. Et ce n’est pas fini, une véritable fièvre de dénonciation et de ravalement s’est emparée de certains esprits qui veulent nettoyer la mémoire de ce qui offense tel ou tel groupe social au détriment de l’histoire. N’a-t-on pas vu un Président de la république renoncer pour cette raison a célébrer la victoire d’Austerlitz au motif que Napoléon avait un temps rétabli l’esclavage, alors même que nous envoyions un bâtiment de la marine nationale participer aux festivités de Trafalgar célébrant en Angleterre une défaite napoléonienne. Tel est le triste constat de la déconnexion entre la mémoire et l’histoire. Nous voudrions qu’on nettoie la mémoire des aléas de l’histoire, qu’on rende des comptes et fasse éternellement repentance ; en un mot qu’on juge l’histoire sans tenir compte du temps. Cette absurdité ravageuse a une explication. Nous n’avons pas su expliquer l’histoire à nos enfants et les politiques par inadvertance ou par faiblesse ont laissé passer des lois qui offrent un arsenal juridique à toutes les revanches mémorielles. Le crime de la Shoah est venu ajouter son ombre terrible au malheur des temps et il sert de référence à toutes les revendications mémorielles. Pour ce motif, il faut mettre un pays et son histoire à l’ordre du politiquement correct afin de devenir cette démocratie absoute de son passé comme si jamais guerres ni traités n’avaient fait la paix des consciences. Loti, cet officier de la marine nationale qui fut en son temps un immense romancier est aujourd’hui cloué au pilori, pour des « fautes de mémoire ». On oublie simplement que son prétendu antisémitisme se résume à 2 pages dans son livre « Jerusalem » quant à son « anti Arménisme » , on oublie un peu vite que comme le premier, il était dans l’air du temps de ces années-là, ce qui n’empêcha pas Loti d’être « Dreyfusard ». La vérité est que ces combats sont totalement anachroniques et sans doute aussi de nature à alimenter des causes qui ne se soutiennent que de la polémique qu’elles créent. Alors, pour ces raisons, il faudrait donc laisser crouler sa maison et effacer son nom. Aurons-nous enfin un jour le courage de nous sentir héritiers d’un avenir sans être éternellement comptables d’un passé qui, pour certains, ne passe pas ?

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