QUELLE HISTOIRE !

L’aurez-vous remarqué ? Au fond nous n’aimons rien tant que l’on nous raconte des histoires. Et ce depuis l’enfance. Que ce soit des histoires politiques ou des histoires à dormir debout, qu’importe. Nous sommes bon public. Je me demandais l’autre jour pourquoi l’excitation s’empare du peuple à intervalles réguliers à l’occasion des élections politiques. Il me semble que la réponse en est que ce sont ceux qui racontent le mieux les histoires (et même parfois l’Histoire) qui nous donnent à croire à quelque chose, un conte que nous attendons depuis tout petits lorsque nos parents cherchaient à nous endormir: Comment être heureux dans un monde parfait.

. Dernièrement on a eu le choix entre ces grands raconteurs d’Histoire : on a eu l’histoire héroïque du peuple insoumis avec un tribun de talent, l’histoire du rassemblement national avec il est vrai une baisse de registre de père à fille, l’histoire raisonnable des gestionnaires tristes et sévères et l’histoire de la jeunesse conquérante dont le discours élevé et la pose altière ont convaincu le pays d’avoir enfin trouvé le héros de son Histoire, celui qui réussirait à l’apaiser. Mais l’été, c’est connu est propice aux piqûres de guêpes et voilà qui trouble bien des siestes même quand on les passe à Brégançon. Impossible de dormir donc. Dans ce cas on reste les yeux éveillés et que voit-on ? Le même monde, la même réalité inchangée qui cause les mêmes insomnies qu’avant. C’est que le grand livre d’Histoire que la France attend en vain a du mal à s’écrire, que celui qui a été écrit par les siècles est tombé sinon en désuétude, du moins en discrédit et que dans le cours du monde qui va, la France n’écrit plus guère l’Histoire comme jadis elle eût le sentiment de le faire. Alors comment gouverner ces difficiles « Gaulois » orphelins d’une Histoire qu’on n’enseigne plus et si sensibles aux piqures de guêpes de l’actualité ? Toujours en leur racontant des histoires, non plus du temps long mais en scénarisant les séquences. C’est ce qui fait qu’on engage de plus en plus de grands conteurs en politique et de préférence médiatiques. Coluche l’avait bien compris à l’époque (mais c’était un peu tôt) d’autres, ailleurs, ont fait beaucoup mieux ensuite. Alors on a imaginé autre chose, on a fait des « castings », on a voulu (et parfois réussi) nommer des personnages médiatiques qui se trouvent aussi parfois être des hommes politiques comme Nicolas Hulot pour l’écologie par exemple ou Stéphane Bern (un homme qui a des idées…) pour le patrimoine dans un autre registre, et l’on pourrait continuer ainsi. L’ennui c’est que les conteurs visionnaires finissent par croire eux-mêmes aux histoires qu’ils racontent et s’imaginent pouvoir changer le monde par la force de leurs convictions légitimes. Avec eux, la France suspendue à leurs lèvres se donne comme modèle universel et attend que le monde se range à son avis (on l’a vu à la Coop 21). Mais que le réel se décline sur le mode du possible et non sur celui du souhaitable, que la politique ne le transforme pas « in petto » en monde meilleur et voilà nos conteurs qui se fâchent et s’en vont en claquant la porte. Et qui sont les premiers qui pétitionnent ? 200 Artistes, attestant par là que nous sommes bien dans la société du spectacle ! Mais il n’est pas certain non plus qu’une politique soit à ce point liée à celui qui la porte qu’elle disparaisse obligatoirement lorsque ce dernier fait sa sortie, on verra bien la suite. Sur un autre registre, l’imitation étant en soi une des clés du comportement humain, voici qu’un autre conteur d’histoires (non celles de la nature, mais du patrimoine) menace de se fâcher à son tour et de rendre son tablier. Mais pourquoi donc ? Que lui a-t-on promis ? S’imagine-t-il soudain que l’avenir du patrimoine français ne dépende plus que de lui ? Il déplore que les dépenses du ministère de la culture pour le patrimoine soient insuffisantes ? Sur ce chapitre, vieille antienne, tous les ministres l’ont dit avant lui. JJ Aillagon le premier en proposant aux collectivités territoriales de reprendre des biens du patrimoine national et en leur confiant la responsabilité de l’Inventaire. Sans succès; Hier encore, on avait déjà inventé « la fondation du Patrimoine » dans ce but et on voit bien que ça n’a pas suffi. Alors le Loto proposé par notre présentateur souriant, pourquoi pas ? Les Anglais le font depuis longtemps déjà, mais quoi, ce ne sera pas suffisant ? Qui pensait le contraire et fallait-il confondre le patrimoine classé et le patrimoine inscrit à l’inventaire ? Ou alors voulait-on profiter du moment et donner à penser qu’on ferait mieux qu’une ministre qu’on n’entend plus guère ? Qui sait ? Ce jeu de portes qui claquent commence à fatiguer les Français, il serait temps que l’on mette chacun à sa place, les politiques aux affaires publiques et qu’on laisse les animateurs dans leurs écrans, que l’on cesse une bonne fois pour toutes ces nominations médiatiques à tous postes offerts afin qu’un État qui se veut régalien s’avise enfin qu’il est dans son rôle d’assumer ses responsabilités dans l’écologie, dans la culture comme dans le reste sans vouloir y ajouter ce vernis médiatique qui s’écaille si vite même si c’est la première chose qui attire l’œil et séduit le public.

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