((/public/.Clair_voyance_1__m.jpg|clairvoyance avant|L|clairvoyance avant, juin 2013))((/public/.Degat_miroir_2__1__m.jpg|clairvoyance après||clairvoyance après, juin 2013))Cela se passe dans une ville moyenne au pied des Pyrénées. Un centre d’art entreprend d’exposer un artiste dans un cabinet de voyance. Voir et ne pas voir tel est le défi de l’installation et plus métaphoriquement peut-être du rapport à l’art. « L’œuvre « donc, ou plutôt « l’installation » est constituée d’une devanture de boutique derrière la vitre de laquelle luit un néon jaune formant le mot « Clairvoyance ». À l’intérieur (inaccessible) de la boutique une machine à vapeur de glycérine dégage une fumée opaque qui empêche de voir. Ne reste que ce néon sur fond de brouillard qui brillait dernièrement dans la nuit d’une rue de Tarbes.
Passe un quidam qui voit une lueur et de la fumée dans ce petit magasin. N’écoutant que sa conscience citoyenne, il appelle les pompiers : « il y a le feu dans tel magasin de telle rue ! » Au signal surgit une voiture de pompiers qui défoncent à la hache la vitrine, pénètrent dans les lieux et attaquent le plafond pour aller à la source du feu sans se rendre compte apparemment qu’un petit diffuseur au sol envoie son nuage de fumée avec application. Le tout jusqu’au moment où les voisins alertés par ce tapage informent les vaillants pompiers qu’il s’agit d’art contemporain. On n’épiloguera pas sur le ridicule de la situation encore que ce retour de l’art pompier vaille son pesant de malentendus. Mais de quel côté ? Qu’un individu voyant de la fumée crie « au feu » et que surgissent des casques et dans lances à incendie, il n’y a là rien que de très logique. Mais pourquoi les uns et les autres n’ont-ils pu voir autre chose, ni s’interroger sur le sens de ce néon qui n’était enseigne de rien, sollicitant seulement l’esprit d’observation et le sens critique ? Le malentendu de l’art contemporain n’est-il pas là tout entier, nous qui savons depuis Duchamp que c’est le regardeur qui fait l’art. Alors bien sûr, dans les lieux balisés et estampillés, musées, centres d’art, les impétrants sont prévenus et nulle « installation » même la plus absconse ne les rebutera ni ne les égarera. À l’inverse, l’art, anonymement disposé ici ou là, ne pourra que les égarer. Et c’est bien ce malentendu fondamental qui doit nous donner à penser bien davantage que la réapparition des casques dans la peinture qui avait donné à certains grincheux l’occasion de parler « d’art pompier ». À Tarbes où Jean Paulhan, il y a bientôt un siècle écrivit un manifeste intitulé « les fleurs de Tarbes ou la terreur dans les lettres », la rencontre de l’art et du grand public est encore à venir.