LES FONDATIONS VÉNITIENNES

((/public/.mario_merz_m.jpg|mario_merz.JPG||mario_merz.JPG, juin 2013)) oeuvre de Mario Merz. Si l’on veut se convaincre de l’attirance réciproque de l’art de la mode et des affaires, il n’est que de constater le nombre de fondations qui éclosent sous ce jour propice et ce n’est pas fini. Certes certaines comme Gulbenkian ou Guggenheim sont déjà anciennes mais les nouvelles, Pinault, Prada, LVMH (Vuitton) ont rejoint Cartier et d’autres marques encore. Tout se passe comme si le luxe avait besoin de ce stimulant spéculatif supérieur, l’art et singulièrement l’art contemporain.

À Venise donc vient d’éclore une nouvelle fondation, Prada, qui s’est payé le luxe (c’est le cas de le dire) de reconstituer une exposition mythique, celle qui a marqué en son temps, (1969) le paysage de la création et qui avait pour nom : « Lorsque les attitudes deviennent des formes », ce moment où l’art devient davantage mental que matériel, où l’on quitte la peinture, la sculpture comme telles pour faire place aux « installations ». Cette exposition qui s’est ouverte à Berne en 1969 et qui comptait quelques noms qui allaient devenir célèbres comme Beuys, Mario Merz, Sol Lewitt, Robert Morris bref, les grands du minimalisme, de l’art conceptuel, du Land art (Walter de Maria, Richard Long), de l’Arte Povera, allait marquer l’époque et signer la réputation d’un des plus grands commissaires d’exposition : Harald Szeemann. Avec cette exposition « historique » remontée en partie avec des documents au Palazzo du « Ca’Corner della Regina », la Fondation Prada prend pied dans le concert artistique de Venise et de belle manière. Désormais il y a à Venise, le Guggenheim avec ses œuvres historiques de la modernité au XX° siècle, Prada et Pinault avec ses deux lieux emblématiques que sont « la Douane de mer », un peu décevante cette année et le « Palazzo Grassi » plutôt passionnant dans sa radicalité cette année. En effet, l’idée de Rudolf Stingel de recouvrir l’ensemble des murs et des sols de tapis persans dans une ville qui s’est si souvent affrontée aux Ottomans et dans le contexte orient/occident ou si l’on veut Islam/Occident d’aujourd’hui est plus qu’une métaphore, c’est un point de tension artistique qui compte. Et l’on se dit rétrospectivement qui si Pinault avait dû attendre que les Français se mettent d’accord sur son projet de l’île Seguin à Paris où souvenons-nous avait été déposé son premier projet de fondation, il serait loin d’atteindre le rayonnement et l’efficacité de ce geste artistique accompli à Venise. C’est là, il me semble, une chose à méditer dans notre si compliqué pays tellement empêtré dans ses règlements administratifs et ses réticences idéologiques, qui ne semble à l’aise que dans les projets d’État que du reste il n’a plus les moyens de se payer. Et c’est sans doute pourquoi ce n’est pas le drapeau de la France qui flotte sur les palais vénitiens de Pinault, mais celui de la Bretagne. C’est quand même assez irritant pour un Français qui passe par là et ressent comme une sorte de frustration légitime car non seulement nous ne savons pas optimiser nos atouts mais encore nous affichons chez les autres nos dépits nationaux.

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