LITTERATURE ET POLITIQUE

Les Français ont le goût de la littérature, c’est une chose connue. Dans quel autre pays, en novembre, sacrifie-t-on autant à la chose littéraire ? Les prix du même nom, sont là pour l’attester ; Les auteurs s’y préparent, les éditeurs y conspirent et le jackpot revient à ceux qui ont le mieux manœuvré.

En politique c’est pareil. Lorsque De Gaulle écrivait ses mémoires, il s’inscrivait dans le temps long, c’était un genre ancien et pour tout dire Romain. Mitterrand, lui se servit du livre comme d’une arme de combat politique mais il laissa des lettres d’amour, publiées ces temps-ci, qui attestent d’un authentique écrivain. Pompidou nous laissa un recueil de poésie, Giscard quelques romans qui lorgnaient du côté de Maupassant, Chirac pas grand chose dans ce domaine, Sarkozy guère plus, mais il se rattrape ces temps-ci et Hollande trébuche sur un livre d’entretiens où se mêlent le cynisme et la vanité du pouvoir. C’est dire que les livres comptent pour ce peuple qui a comme passion commune littérature et politique. La prochaine élection, d’abord dans le camp de droite, mais celui de gauche lui succèdera avec les mêmes penchants soyons en sûrs, l’atteste amplement. Un fort en thème, Lemaire, nous fait mille pages, un fort en maths, Fillon, nous fait un savant calcul, Juppé nous fait un feuilleton, Sarkozy un plaidoyer et il n’est jusqu’à Bayrou qui tel un cheval piaffant dans son écurie n’attend qu’un signal pour se lancer dans la course avec probablement lui aussi, un livre de plus. Qui a dit que notre classe politique manquait de lettres ? Or, c’est quand même là une chose étrange, à l’heure du numérique, des réseaux sociaux où un Twitt vaut un long discours, où les images remplacent la pensée, que de voir ces hommes et femmes d’action, s’astreindre à la rédaction comme si un instituteur vigilant, la main sur l ‘épaule guidait encore leur ambition. Ceci explique peut-être cela. L’instituteur, plus tard le professeur, tous ces maîtres à penser qui préfiguraient ceux qu’on se choisit plus tard dans des livres, semblent dans notre pays, peser d’un poids plus lourd qu’ailleurs. Imagine-t-on en effet, tout autant Mme Clinton que le milliardaire à la tignasse rousse s’acquitter d’un tel pensum pour séduire des électeurs et s’adresser à leur raison tout autant qu’à leur sensibilité ? Impensable. L’industrie de la communication est leur véritable institutrice et il y a bien longtemps que la science et technique de la communication leur ont donné les moyens de convaincre sans trop avoir à réfléchir. C’est là qu’on se dit que, malgré tout, nos vieux pays de la vieille Europe, ont du bon. On parie, aussi, pas seulement on s’en doute, sur l’intelligence de l’électeur, on veut le convaincre tout autant que le séduire, on le sait prompt à l’émotion certes, mais on sait aussi que pour lever le doute sur la compétence ou la sincérité de tel ou tel, la réflexion est utile même dans une démocratie d’opinion. Est-ce à dire que tous ces livres politiques sont lus ? On ne sera pas assez naïfs pour le prétendre. Ils sont achetés et c’est déjà un résultat ; touchant spectacle que ces files de gens qui attendent sagement, un livre à la main, la dédicace de l’homme politique comme jadis on défilait devant le Roi de France qui touchait les écrouelles des malheureux et des malades. C’est dire que le livre politique reste une médecine et un viatique pour redonner de l’espérance à ceux qui n’en ont plus guère. Plus tard, même posé sur la cheminée ou dans la bibliothèque, il rayonnera encore du pouvoir des promesses qu’il contient.

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