Entendez-vous ce cri qui monte des profondeurs ? On veut tuer la culture ! Qui On ? L’État bien sûr et tant qu’on y est, le chef de l’État qui aurait la volonté de détricoter la politique culturelle de la V° République. Diable, rien que cà !
C’est ainsi qu’on lit ce fameux sigle RGPP (réforme générale des politiques publiques) autre nom pour une rationalisation des services de l’État. Non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, concentration des services communs, économies d’échelle, informatisation, celle-ci ne se fait pas sans douleur. Ajoutons à cela, le réforme prévue des niveaux de décentralisation avec à la clef la suppression de la clause de compétence générale qui date de la fin du XIX°siècle et voilà la culture privée de subsides à l’échelon décentralisé. Les assurances données sur ce point par le Président de la République lors de la cérémonie des vœux à la culture sont tenues pour promesses mensongères. Bref, ON en veut à la culture et si ce n’est toi, c’est donc ton frère, entendez, si ce n’est l’Elysée, c’est donc Bercy, et pourquoi ? Parce que la culture est coûteuse et qu’elle dérange. Voilà le constat, il s’exprime avec plus ou moins de nuances selon les revues et magazines culturels et il se constate dans la rue lorsque le Syndeac qui est un syndicat d’employeurs défile avec la CGT qui est un syndicat d’employés pour le même objectif : s’opposer à toute mesure portant atteinte au « statu quo ». Puisque le problème repose sur le financement de la culture, rappelons que si l‘État, ministère de la culture en l’occurrence, la finance à hauteur d’environ 3 milliards d’euros, les régions apportent un peu pus de 1 milliard d’euros, les Départements, un peu plus de deux et les municipalités et communautés de communes environ 4 milliards d’euros. Que l’on touche à tel ou tel de ces secteurs et le jeu de dominos risque de faire s’écrouler le système qui repose pour l’essentiel sur des financements croisés. On comprend l’inquiétude. À cela il faut ajouter les comptes sociaux, au premier rang desquels l’Unedic qui finance l’intermittence du spectacle et n’est pas le moins déficitaire. Or, si on peut considérer que le relatif désengagement de l’État ces dix dernières années a été compensé par l’engagement des régions, désormais celles-ci craignent de voir leurs financements menacés. Quant aux départements avec le poids de l’aide sociale qu’ils ont à supporter, ils sont également étranglés. Restent les communes qui supportent aussi, mais différemment, la charge des besoins publics. On voit alors que nous ne sommes pas en période de facilités budgétaires. Or, on sait depuis longtemps, que, compte tenu de la structure des besoins culturels, si le budget de la culture n’augmente pas tous les ans de quelques points de plus que l’inflation, il perd sa dynamique tant les besoins sont croissants. On devrait aussi se rappeler que si on en est là, c’est que pendant des années, l’État, harcelé par la demande sociale, les dynamiques régionales ou locales, l’ardeur des media et des groupes de pression n’a cessé d‘élargir le périmètre des ayant-droit, à la fois aux prestations sociales et aux subventions, quand il n’inventait pas chaque année une nouvelle catégorie de domaine éligible à l’aide publique. Le résultat est que sa politique est devenue illisible, infinançable et source de malentendus voire d’injustices criantes. Qu’on veuille y remédier aujourd’hui revient à verser de l’alcool sur une plaie qu’on veut assainir, cela fait mal. A-t-on le choix pour autant ? Chacun voit bien les problèmes de la Nation : crise, dette faramineuse, chômage, croissance atone. Le désendettement de l’État passe, on le sait, par une réduction de la dépense publique, donc par des mesures de restrictions de postes de fonctionnaires et de subventions publiques, étant entendu qu’il y a des priorités, la santé, l’éducation, la sûreté publique etc… et que la culture malgré tout, quelle que soit son utilité sociale, et nul ne la conteste, passe forcément après. On est tout de même étonnés par la réaction des professionnels de la culture. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne font pas preuve de beaucoup de réflexion, ou alors il faut mettre sur le plan de la tactique, l’absence d’esprit critique et d’auto critique qui fait ici cruellement défaut. En somme leur réaction est la suivante : Pas nous et pas maintenant ! Parce que la culture est plus importante que tout, qu’elle est la source vive de l’intelligence, de la recherche du développement de l’épanouissement individuel et collectif, de la citoyenneté etc…etc… Cela n’est ni vrai ni faux, on peut le dire de bien des secteurs, l’éducation par exemple, mais l’on s’aperçoit vite que tous les secteurs raisonnent de même. La version démagogique du raisonnement étant, on a trouvé de l’argent pour les banques, alors qu’est-ce que c’est que ce petit 1% pour la culture. ? L’ennui est que personne ne veut de remise en question d’un système qui bon mal an fait vivre plus de deux-cent mille personnes. Alors si on en est là dit-on, c’est que l’on a affaire à un État injuste. Au secours la Gauche, disent les mêmes, car la gauche qui vient de gagner les régionales, dirige la majorité des départements et plus de 60% des collectivités locales, serait en principe plus accessible à ces raisonnements et si elle ne l’était pas, davantage accessible aux arguments des militants culturels, que la droite. C’est ce que l’histoire de la V° République a montré en tout cas, et chacun a en mémoire les premières années du septennat de F.Mitterrand et l’embellie culturelle qui a suivi. Aussi l’unanimité se fait dans les milieux culturels d’une insurrection citoyenne destinée à amplifier les bons résultats de la Gauche aux régionales afin de la porter au pouvoir à nouveau. « Espoirs et illusions » pourrait être le titre de ce nouveau film en tournage. Si d’aventure demain, la Gauche venait au pouvoir en France, les problèmes resteraient les mêmes et les solutions aussi. Le vrai est que nous sommes mal préparés aux échéances qui s’annoncent et n’avons que le désir de nous conserver en l’état alors que le monde change plus vite que nous. Du côté de l’État on reste sur notre faim, on nous a donné un Ministre doté d’un nom évocateur et capable de faire de beaux discours, mais on l’entend peu, et l’on ne voit guère où l’on va. D’autre part, les discours contradictoires et les décisions confuses ou barbares prises à divers échelons de l’administration de l’État culturel renforçent le sentiment d’incompréhension des mieux disposés. Plus grave, alors que pour l’instant les difficultés restent marginales et imposeraient vite une réorientation vigoureuse et dynamique de la politique culturelle publique, on laisse se répandre le sentiment de l’iniquité des mesures et des décisions qui renforce le désamour entre les professionnels de la culture et l’État. On se dit qu’il manque tout de même sinon un pilote, du moins, un plan de pilotage dans l’avion, car une chose est sûre, il ne manque pas de passagers !