MARIAGE GAY : LA VALEUR ET LA NORME

Longtemps, nous avons vécu dans un monde de valeurs. La valeur était le nom que l’on donnait à ce qui, pour nous, pour la société, pour l’humanité même était censée valoir le plus. Cela s’était établi petit à petit, donnant ainsi les références d’une morale. Tant et si bien qu’au siècle dernier le philosophe Nietzsche prônait lui, une inversion de toutes les valeurs.

C’est dire si cette référence au monde des valeurs a imprégné nos mentalités. Il n’est que de chercher à donner des exemples pour se convaincre de l’importance de cette notion dons nos mentalités : valeurs matérielles : travail, argent, réussite, valeurs morales : courage, altruisme, don de soi, valeurs sociales : solidarité, fraternité, entraide. Or, ce qui a peu à peu remplacé, dans nos sociétés modernes, cette référence à la valeur, c’est la norme et c’est la loi.. Les normes se sont multipliées dans la réglementation sociale et la « normalisation » est devenue la règle de l’équilibre des forces et des intérêts dans une société policée. On a même vu un futur président faire campagne sur la norme du « normal ». Une norme ne demande pas à ce que l’on fasse référence à quelque chose de supérieur, elle se suffit à elle-même dès lors qu’elle est élaborée collectivement (une loi) et qu’elle recueille un assentiment de convention pratique. Mais on voit bien cependant qu’elle est toujours relative à une société et à un temps donné, car si les valeurs, elles, ne changent pas, (la valeur de la vie humaine, par exemple) les normes peuvent changer. Du coup, leur universalité reste problématique, leur fondement est l’utilité sociale, elles facilitent (en principe) la vie en société. De fait, et pour cette raison, leur champ s’est considérablement étendu, de la simple norme des appellations contrôlées (labels) aux normes sociales (les modes de vie) au droit évidemment (l’héritage, le mariage, l’adoption) aux normes religieuses (port des insignes ou tabous alimentaires) ou encore normes morales (la fidélité, l’honnêteté, le courage). Le caractère commun que partagent la norme et la valeur, c’est qu’elles obligent, l’une par la loi écrite ou coutumière, l’autre par l’obligation morale. Il est aussi des domaines où les deux se confondent comme, par exemple, celle des Droits de l’homme qui sont à la fois une norme (déclaration des droits) et une valeur en soi. Mais en va-t-il de même dans le domaine de la famille, pour des notions comme celle du mariage par exemple ? Le mariage civil et religieux est une norme mais c’est aussi une valeur, c’est ce qui permet à la convention familiale de s’établir et de durer (obligation de solidarité, devoir vis-à-vis des enfants et affection). Le droit de la famille est du reste une partie importante du droit civil. Mais, si la coutume et le droit ont, dans les sociétés occidentales établi la règle du mariage entre un homme et une femme, cette règle constitue pour beaucoup de personnes (pour l’église catholique et les religions monothéistes particulièrement) une valeur et même pour les catholiques, un sacrement. Vouloir la changer, n’est pas seulement modifier la norme, c’est mettre en question la valeur sur laquelle elle repose. Certes, nos sociétés se sont développées vers davantage d’individualisme et d’autonomie et le caractère différencié des associations particulières entre individus engendre des revendications de plus en plus précises. C’est le cas du mariage homosexuel appelé joliment « mariage pour tous » ce qui donne soudain à cette question d’opportunité la forme légitime de la revendication d’un droit universel. Mais qui ne voit que dans ce changement annoncé de la norme c’est de la valeur qu’il s’agit ? Et c’est sans doute la raison pour laquelle, à la réflexion, ce débat soulève soudain tant d’émotion.

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