LUCIO FONTANA au MUSÉE D’ART MODERNE DE PARIS

Il est des expositions qui réservent de vraies découvertes. Enfin, pour moi, car j’imagine que d’autres connaissent mieux l’œuvre de Lucio Fontana que moi, mais voilà, en ce qui me concerne, je m’en tenais jusque-là à l’image forte et quelque peu théâtrale de ses lacérations de toiles dont l’aspect érotique et violent m’avait comme on dit, interpellé.

Non point que la symbolique immédiate en soit le seul intérêt, car à y regarder de près cela découle et renvoie à ses « concetti spaziali », concepts spatiaux, qui réinterrogent la peinture à la manière radicale des artistes d’après-guerre. En cela, il imposait un autre regard et usage de la toile peinte, un peu comme les artistes de Support/Surface qui d’une autre manière, bouleversaient eux aussi le rapport toile/peinture. Si donc le trou, la fente, la perforation restent présents, ce qu’on voit à côté élargit la compréhension qu’on peut avoir de son œuvre et en donne une tout autre dimension. C’est en cela que le Musée d’art moderne de la ville de Paris reste irremplaçable, par les découvertes qu’il propose de faire d’artistes par ailleurs très ou trop connus dont il montre la complexité et la profondeur. Ce qu’on nous montre ici du premier Fontana étonne car on découvre un sculpteur céramiste baroque qui renvoie à l’œuvre d’autres puissants céramistes comme Miro ou Picasso ou encore Léger mais qui font ici de cet artiste, le virtuose d’un registre qu’on a sans doute tort de considérer en général comme mineur. Il est vrai que son père était « sculpteur funéraire » ce qui ne manque pas d’intérêt. La céramique du reste va rester en contact étroit avec la peinture lorsqu’elle ne figure plus que comme de minuscules éclats dans un registre qui deviendra de plus en plus abstrait et rejoindra les tableaux « spatiaux ». Ce qui surprend néanmoins, c’est la liberté avec laquelle cet artiste théorise sa pratique dans le même temps où il s’en affranchit, privilégiant toujours et l’œil et le geste dans le rendu de son art. On comprend alors comment, sinon pourquoi, à un moment donné, de ce qui était perforation de la toile sous-entendant un espace comme dans la vision aristotélicienne du ciel, allait surgir par la violence d’un cutter, la lacération, qui est un tout autre geste et d’un tout autre sens. C’est ce qui surprend et fascine et on ajoutera que la vision directe de ces toiles ainsi lacérées est à mille lieues de l’idée qu’on peut s’en faire. Il n’en reste pas moins que c’est par ce geste-là qu’il aura marqué son temps comme Yves Klein avec ses monochromes bleus et tant d’autres artistes qui auront eu le bonheur ou la chance de trouver un geste plastique primordial.

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