VENGEANCE ET LITTÉRATURE

Les femmes aiment plus que les hommes nous dit la littérature. Elles aiment et haïssent absolument. Chaque jour en apporte sa preuve et les femmes blessées sont plus féroces que les hommes, c’est ce que nous raconte le Théâtre.

La plus terrible fut Médée fille d’Aétès roi de Colchique qui par amour pour Jason, le héros grec lui offrit « la toison d’or » (la psychanalyse disserta longuement sur cette toison !) Pour la remercier, ce dernier l’épousa et lui fit deux enfants, puis oublieux et gâté par le sort, Jason délaissa Médée et épousa Créuse. Afin de se venger, celle-ci tua ses deux enfants et fit mourir sa rivale en empoisonnant sa tunique. Voilà l’histoire ancienne qui a servi de modèle à nombre de dramaturges et d’écrivains. L’autre histoire est celle de Bérénice. L’empereur romain Titus s’éprend de la belle reine palestinienne et songe à l’épouser, mais Rome, en vertu « d’une loi qui ne se peut changer, n’admet avec son sang aucun sang étranger » s’oppose au mariage et Titus bannit Bérénice. La belle étrangère ne veut pas le croire, j’attends dira-t-elle, « que cette même bouche après mille serments m’ordonnât elle-même, une absence éternelle ». Finalement, pleine de tristesse, elle acceptera « par amour » sa répudiation. Sagesse, sans larmes, renoncement raisonné, Bérénice est une tragédie sans morts, une tragédie de la tristesse féminine. Le courtisan Racine servit ainsi à Louis XIV, un bel exemple de la « raison d’État », car comme il l’écrit : « il ne s’agit plus de vivre, il faut régner ». Deux exemples historiques donc à évoquer en ces jours de parution d’un livre (faut-il dire de vengeance ou d’amour déçu) de l’ancienne pseudo- première dame de France, qui s’estima injustement répudiée, non point pour des motifs d’État, mais plus trivialement, pour une autre. Elle aurait pu prendre comme modèle ses deux illustres héroïnes des siècles passés, la violence ou le consentement affligé. Elle prit une arme moderne qui est l’arme médiatique (on n’ose écrire littéraire !) et celle-ci fait aussi mal. On voit par là que les époques changent mais pas les hommes ni les femmes, les ressorts humains, du pouvoir, de la jouissance, de la raison et des passions sont toujours les mêmes. La sauvagerie est la même, il n’est que de porter son regard du côté des guerres au Moyen Orient, le ressort amoureux est inépuisable à déterminer les conduites des humains et la littérature est le dernier transfert d’affects dont l’industrie de la communication décuple les effets. Il est quand même étrange de penser que ce sont ces publications-là qui sont les premiers succès littéraires de la rentrée. Mais qui a dit que l’autofiction était un genre dépassé. Au fond, les meilleurs succès de librairie ne sont-ils pas le fait d’auteurs plus romanesques que leurs livres ? Voilà donc une rentrée littéraire qui ne se fait pas sur la fiction, mais sur le récit vécu. Nul doute qu’elle annonce une évolution de notre consommation des mythologies contemporaines où se mélange semble-t-il, l’eau de rose, l’eau bénite et le vinaigre comme dans toute véritable passion.

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