PARIS CAPITALE DE L’ART?

Même les plus distraits ont entendu la nouvelle : « Paris redevenu capitale de l’art ». Il est vrai qu’on y inaugurait coup sur coup le nouvel espace Louis Vuitton, la rénovation du Musée Picasso cependant que s’y déroulait la FIAC, la foire annuelle de l’art contemporain. Tout cela est d’importance et on relèvera avec satisfaction ces signes du renouveau artistique de la place de Paris qui comme on sait avait perdu au milieu du siècle dernier son rôle prééminent avec le déclin de la défunte « école de Paris ».

Pour autant il faut y regarder de plus près. S’il est vrai que la densité des « outils » culturels de la capitale est de plus en plus grande, elle n’est pas la seule dans ce cas mais son prestige international reste encore intact. La question des musées, surtout d’art contemporain signe le modernisme et l’attractivité d’une capitale. À cet égard, il est significatif que de grands groupes comme ceux d’LVMH ou de Pinault aient très tôt investi dans l’art contemporain. C’est le cas aussi en Italie avec des fondations liées aux grandes maisons de couture et ceci va avec cela : luxe, mode, art, ont toujours fait bon ménage. La question des artistes restant secondaire par rapport au business de quelques uns qui surfent sur l’esprit du temps et ils ne sont pas si nombreux que cela. Les architectes sont dans la même mouvance, là aussi ils sont moins d’une dizaine à être capables de signer ce type de réalisations qui vaut label international : F.Gehry, J.Nouvel, Zaha Hadid entre autres. Tout se passe donc comme si ces équipements venaient compléter la panoplie ostentatoire des marques sur le marché international. Mais du fait que la France en bénéficie, on ne se plaindra pas. Le musée Picasso c’est autre chose. La France eût la chance de pouvoir accueillir en dation un ensemble d’œuvres de premier plan de ce peintre majeur du XX° siècle. On oubliera la pénible palinodie de la date d’ouverture, le résultat semble à la hauteur des attentes. Tous ces équipements sont attractifs pour la capitale. Il ne faut pas oublier cependant que plus de la moitié des gens qui les fréquentent sont des étrangers. Quant à la FIAC, elle a connu en cinq jours près de 80 000 visiteurs ce qui est considérable, mais là encore il n’y avait que 25% de marchands français ce qui en soi n’est pas critiquable puisque cela signe la caractère international de cette foire dont le but est pour elle aussi de s’inscrire dans le marché mondial des foires d’art. On voit par là que l’art n’est plus une fin en soi, mais un des éléments de la manifestation du marché, sa face la plus séduisante, celle qui accompagne toujours et dans toutes les époques la circulation de la richesse. Du reste le prix des œuvres présentées est à l’échelle de ce marché mondial. Les transactions sérieuses commencent autour de 100 000€ et atteignent plusieurs millions. Certes on mettra toujours en avant le « petit » dessin à 5 000€ mais il faut bien faire une place à l’amateur qui a de la culture et du goût. L’essentiel est ailleurs. Le régulateur du marché de l’art est confié aux grandes maisons de vente (Sothebys et Christies pour l’essentiel) qui tirent à la hausse et les marchands essaient de suivre. C’est la cote qui fait la valeur et non l’inverse. Mais est-ce que ce marché de l’art profite aux artistes français et stimule la création française ? Ah, là, c’est la question qui fâche. On trouve hélas bien peu d’artistes français dans le classement des meilleures ventes à l’international et si Paris et la France sont aujourd’hui le lieu de cette belle présentation de l’art (on dit maintenant de cette « scène de l’art », c’est plus chic) elle ne profite que peu à la création française. En s’internationalisant elle fait d’abord circuler les valeurs de transaction internationale entre maisons de vente et marchands eux-mêmes internationaux. Pourtant lorsqu’on visite les sections parallèles à la grande foire, on voit quantité de remarquables galeries et d’excellents artistes mais qui ont beaucoup de mal à se hisser au niveau du marché. C’est là le problème de la France, nous sommes un pays qui apprécie tellement l’art des autres que nous avons beaucoup de mal à faire rayonner le nôtre. Non point, comprenons-nous bien, que l’art doive être « français » mais seulement que nous devenions capables en art comme pour le reste de promotionner ce qui se crée en France par les Français comme par les autres. Les Britanniques qui s’y connaissent en affaires ne nous ont pas attendu pour promotionner eux leurs « Young British Artists ». Il nous faudra apprendre un peu de ce pragmatisme légendaire afin que Paris ne soit pas seulement la capitale où se montre l’art, mais celle aussi où il se crée. Alors peut-être on reparlera comme avant guerre, de « la nouvelle école de Paris », mais nous n’en sommes pas encore là.

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