On connaît le mot de Lacan : » vous voulez un maître, vous l’aurez ! » C’est à cela que me font penser les évènements récents en France. Une émulsion sociale, un trouble profond, des difficultés majeures sur le front de l’emploi, un État-providence parvenu à sa limite de flexibilité et d’assistance.
Et puis le choc des attentats et des meurtres commis sur le sol national, la profonde crise morale, la division de la société en deux ou en trois ou davantage, le sentiment que donnent le partis politiques de ne pouvoir tenir le pays, les querelles des prétendants divers à la succession, le désespoir des gens malgré les coups de menton de quelques dirigeants, la faiblesse ou l’incompétence des autres et par dessus tout ce Président qui ne donne jamais l’impression d’avoir un cap et de s’y tenir. Quelque chose comme un tempérament à la Louis _XVI, intelligent certes, paisible certainement, voulant le bien de tous mais n’ayant pas la volonté d’imposer quoi que ce soit, qui déçoit et désespère. En face, la gauche, perdue, en miettes, divisée qui doit faire à la fois le deuil de ses espérances, de ses convictions et surtout du pouvoir, rue dans les brancards et ne veut voir qu’une chose, celui ou ceux qui lui rendront son magistère moral, son assise politique, son confort idéologique et qui est prête à se jeter dans les bras du premier venu. Ces temps-ci, c’est le leader de la CGT qui est à la manœuvre. Du chef, il a le physique, la moustache quasi stalinienne, le verbe fort, le regard noir et il s’est porté aux limites de la confrontation avec l’État. En face le premier ministre Valls a aussi le regard noir et fixe, le menton raide, l’imperméable serré sur le torse, mais son costume on le voit est trop étroit et quoiqu’il fasse, contre un tribun populaire, il pèse moins lourd. Et en face ? Bien que les leaders de l’opposition battent les estrades à longueur de semaine et dans les média, aucun n’a encore le rôle dans les pattes comme on dit au théâtre. Aucun n’incarne encore la fonction dont on se dise : voilà, c’est lui l’homme ou la femme qu’il nous faut. Pourquoi ? Parce qu’en cette matière ce ne sont pas les intentions mais les circonstances qui feront le premier Consul. La France rêve depuis des décennies d’un nouveau Mai 68, c’est resté dans son imaginaire, dans celui des sexagénaires qui ont eu 20 ans en 68 à l’époque et qui se racontent toujours « leur » révolution. C’est ce rendez-vous manqué avec l’Histoire verrouillé alors par la CGT, le PCF et les Gaullistes qui a refermé la parenthèse, même si ce qui en est sorti, le Pompido-Chiraquisme n’avait que peu a voir avec le Général qui fit un temps rêver la France. Car la France veut rêver, elle ne se console pas de ne plus compter à l’échelle du monde, elle ne se console pas de devoir s’effacer devant ses voisins, la France n’est heureuse que lorsqu’elle fait rêver. Or, il ne nous reste qu’un « grand passé », une économie faiblissante et des regrets d’avoir manqué le train du monde. Les rodomontades auxquelles cela donne lieu entretiennent notre frustration, à longueur de Zemmour, de Baverez ou de Finky. Alors, sommes-nous prêts à nous jeter dans les bras de quelque « sauveur » ? : le leader de la CGT, la blonde Jeanne d’Arc du Front, un ancien Président, un nouveau sorti de nulle part, qui le dira ? Un maître, un maître, voilà ce que demande la « Vox populi » et que réclame notre inconscient tourmenté. Un maître dans un pays qui profondément ne veut « ni Dieu, ni maître ». Allez comprendre ! Jusque-là, il nous faudra faire la queue aux postes d’essence, patienter sur les quais de gare ou ailleurs, il nous faudra subir les solutions des uns et les projets des autres, il nous faudra enrager devant l’impuissance des gouvernants, le danger et l’exode des sièges sociaux qui quittent le pays comme les nobles, l’ancien régime. Et dire que tout le monde attend l’Euro de foot pour espérer enfin, que les mouches changent d’âne !