Ils ne voulaient pas d’étrangers immigrés, de travailleurs polonais ou de levantins en fuite. Ils voulaient garder leur île dans ses traditions, préserver leur tropisme américain et le monde comme jardin de la Reine, en un mot, ils voulaient retrouver le souvenir de la gloire Victorienne qui hante la mémoire de tout Anglais qui se respecte. « Le God Save the Queen » chanté d’un bout à l’autre du Commonwealth et l’allégeance des peuples à la couronne britannique, voilà qui soude et qui oblige. Ils voulaient donc sortir de la contrainte européenne, d’une Europe dont tous les traits, les qualités et les défauts aboutissaient peu ou prou à un partage sinon un abandon de souveraineté. Ils ont fini par dire non et « bye-bye l’Europe ». Mais passée l’euphorie du premier moment vient l’heure des comptes, et pour une nation mercantile et qui sait compter, l’heure de vérité.
Reste la Couronne : îlot de stabilité dans un océan d’incertitudes. Une Reine à qui l’âge accorde toutes les vertus, une tradition intacte, malgré les premiers accros d’un mariage qui dérogeait à la tradition : celle d’un Prince avec une roturière et finalement, un divorce et un drame : la disparition de la « Princesse des cœurs » qui plongea ce pays dans le deuil. Il restera deux enfants frappés par la tragédie, un peuple attendri dont ils incarneront le destin un jour dans cette alliance de la royauté du peuple qui est le secret profond de la culture Britannique. Le premier de ces héritiers bien qu’il n’ait pas choisi une épouse dans les têtes couronnées comme une sorte de continuité symbolique de son hérédité, prolonge cependant la tradition : femme et enfants photogéniques qui font l’admiration des sujets de Sa Majesté et le bonheur des tabloïds. Le second héritier plus fantasque, plus imprévisible finit aussi par prendre pour épouse une roturière de surcroît métisse et américaine. À nouveau, le peuple et les tabloïds s’enflamment pour cette idylle. Un descendant royal qui épouse l’Amérique via une américaine divorcée, cela rappelle fâcheusement l’Idylle d’Edward VIII Prince de Windsor abdiquant par amour de sa belle en 1936. N’y a-t-il pas là tous les ingrédients de ce qui pourrait constituer un nouveau drame, une histoire triste et romantique comme l’aiment les medias. Mais depuis, beaucoup d’eau a coulé sous ponts de la Tamise et les règles se sont adoucies. Cette fois, il s’agit d’une américaine qui incarne avec panache le mélange des peuples dont le Commonwealth donne l’image comme un condensé de l’Empire britannique retrouvé. Il n’en fallait pas davantage pour en faire un événement national et international. Les peuples ont leurs idoles, les Rois ont leurs romances : le Rocher de Monaco nous a longtemps servi ce feuilleton: Princesse de cinéma hier, Vedette américaine de série télévisée aujourd’hui, les royautés se ressemblent même lorsqu’elles sont d’opérette. La suite n’est pas écrite mais comme toujours bonheur et malheur jalonneront la route, celle des grands comme celle des petits de ce bas monde. Ce qui est certain toutefois c’est que le bonheur des peuples passe par l’exemple des grands. Les Anglais et leurs monarques regardent vers leur dynastie, nous, à défaut de Rois (quoique nous connaissions de temps à autre des monarques républicains), nous regardons vers le Showbiz. Les évènements mondains ne sont-ils pas l’endroit où ces deux univers se rejoignent sous l’œil des caméras ? Finalement, mariages, naissances ou décès, c’est la même chose, l’occasion d’un moment de ferveur collective dans la grisaille du quotidien et la lumière bleue des écrans…comme au cinéma qui à Cannes cette année décerne sa palme d’or le même jour que le mariage princier : And the Winner Is ? The Show , Indeed !