VACHES SACRÉES
Pour l’inauguration d’un équipement culturel Béarnais qui rassemble à la fois le musée des Beaux-Arts et l’École des arts il ne falut pas moins de deux ministres de la culture et non des moindres.
L’un dont le nom est devenu synonyme du monde de la culture au titre de ministre perpétuel : Jack Lang, l’autre celui dont le passage rue de Valois fut éphémère mais non moins important : Jean-Jacques Aillagon.
Au premier l’on doit le renouveau de la culture en France, après « le moment Malraux » qui fut celui de la fondation et de la formulation d’une politique publique de la culture à l’autre une dynamique libérale qui avec la loi sur le mécénat amplifia l’intérêt pour le développement de la culture.
Le moment Lang fut celui où l’élan culturel initial reprit de la force et déploya son mouvement sur toute l’étendue du territoire touchant de près ou de loin à toutes les formes d’art et de culture pendant une décennie 1980/90. Dans les arts plastiques particulièrement outre une politique dynamique en direction des musées, elle se caractérisa par la création des FRAC (fonds régionaux d’art contemporain) installés dans chaque région favorisant un mouvement pictural très vivace à l’époque : « le nouveau réalisme »ainsi que par la création d’une « Délégation aux arts plastiques » au sein du ministère de la culture.
Jean-Jacques Aillagon eût bien moins de temps à passer sous les ors du ministère (son Président de tutelle qu’il avait bien servi comme directeur de la culture de la Ville de Paris n’hésitant pas à le sacrifier sur l’autel de la crise des intermittents du spectacle en 2003). Il aura eu néanmoins le temps de laisser une loi essentielle pour l’essor de la culture en France : la loi sur le mécénat culturel, qui donne à la culture l’accès légal au financement privé que certains voudraient aujourd’hui réduire pas des calculs de court terme.
Les historiens locaux retiendront que cette inauguration de l’ESAD aura eu : le ministre qui a porté le budget public de la culture au-delà des 1% et le ministre qui a complété et amplifié ce budget par le recours au mécénat. De surcroît, l’un et l’autre, passé leur temps de ministre en exercice, sont redevenus des acteurs culturels de premier plan : Jack Lang à l’IMA (l’Institut du monde arabe) et Jean-Jacques Aillagon, suivant de près les grands projets de la fondation François Pinault au Palazzo grassi et à la Punta de la Dogana à Venise en attendant « la Bourse du commerce » à Paris.
Pouvait-on trouver meilleurs parrains pour l’institution paloise que ces deux ministres, qui s’ils en ont le temps et l’humeur pourront méditer sur la présence deux vaches sacrées que le facétieux architecte François Lathelize à disposées de part et d’autre du perron d’entrée de l’esplanade des arts comme une sorte d’hommage au Béarn dont l’étendard s’illustre de deux vaches rouges sur fond jaune, comme on sait. C’est qu’au fond, nul n’ignore que s’il faut les vaches sacrées à la culture, c’est parce que dans ces temps difficiles on n’est jamais trop de deux a tirer la charrue vers les étoiles.
Par ailleurs, à invitant à Pau un ministre de gauche et un autre de droite, le centriste François Bayrou montre par-là qu’il a toujours la main sûre et le sens de l’époque. Il est vrai qu’il est loin le temps où un grand ministre centriste présidait en France aux destinées de la culture. Il s’appelait : Jacques Duhamel. Il n’a guère eu de descendance jusqu’ici.