Après les catastrophes « naturelles » qui se sont abattues sur la terre ces dernières décennies, après les incendies gigantesques qui ont ravagé l’Australie, l’humanité regarde avec crainte et épouvante le coronavirus dévaster la Chine, laquelle met en quarantaine des villes entières, tentant d’établir la technique du cordon sanitaire sur des millions d’habitants et sur des villes entières.
Cette technique, s’en souvient-on fut celle des Européens dès le XVI° siècle après avoir vécu les grandes épidémies de peste du VI° au VIII° siècle d’abord puis avec ce qu’on appela « la grande Peste noire » au XIV° siècle. Cette épidémie, l’une des plus terribles que l’Europe ait connu faisait disparaître jusqu’à 40% de la population en certains endroits où elle sévissait. Il en fut ainsi de à Marseille en 1347 ou de Florence comme le raconte Boccace dans le Décaméron. On croyait alors que la peste se transmettait par voie aérienne et donc qu’il fallait s’éloigner des lieux de contamination avant de comprendre que c’était le rat qui en était l’agent contaminateur et qu’elle se transmettait de l’animal à l’homme. Malgré tout on ne s’en protègera que par l’hygiène et Venise perdra encore en 1630 le tiers de sa population. Le célèbre roman devenu film « la mort à Venise » réveille cette grande peur de la cité lacustre.
On dit aujourd’hui qu’en Chine, c’est « le rat volant », la grande chauve-souris qui est consommée là-bas ainsi que d’autres animaux sauvages et oiseaux qui transmettent le coronavirus. Mais le plus terrifiant c’est de suivre sa propagation et comment cette épidémie se joue des frontières. Comme un barrage qui ne peut retenir l’eau qui passe par les fissures, ici et là dans notre monde « mondialisé », le virus se propage. Certes on a des outils médicaux performants, mais à petite échelle. Les Chinois pris à la gorge font construire par l’armée des hôpitaux de campagne partout. C’est la course au risque sanitaire et on ne sait à l’heure actuelle qui va gagner.
À l’heure où nos théoriciens et autres philosophes prônaient le « transhumanisme » c’est à dire la victoire de l’homme neuronal sur l’homme animal, de l’homme qui détient les secrets de la vie, les modifie à son avantage et à son désir, qui est capable de guérir, d’allonger la vie, d’en reculer indéfiniment le terme, succède la réponse de la vie, qui est la mort par maladie, par misère ou par pandémie, laquelle depuis les débuts de l’humanité rétablit inexorablement l’équilibre des vivants dans leur écosystème.
Certes, à chaque fois, les progrès de la science, de la médecine et de l’hygiène ont eu raison de ces malheurs, mais enfin, la peste a commis ses ravages sans discontinuer du VI° au XVIII° siècle avant que la prospérité et la santé ne s’établissent dans l’Europe des temps industriels.
La Chine, comme on sait à brûlé les étapes et tout voyageur qui a été dans ce pays, a pu percevoir la réalité du risque sanitaire et écologique qui va s’aggravant, depuis les brouillards de pollution qui cachent le soleil des grandes métropoles jusqu’aux marchés ruraux et pour finir aux dispositifs sanitaires qui font en certains endroits craindre le péril fécal, comme au bord des routes par exemple, le tableau est sombre. Certes, il y a 20% de la population chinoise qui vit à l’Occidentale dans les grandes villes, mais ailleurs, deux mondes se côtoient, le XXI° siècle et le Moyen-âge et c’est bien compréhensible. Réduire cette distance en peu de temps et pour plus d’un milliard d’individus à une époque où la Chine est devenue l’atelier industriel du monde et s’apprête à ouvrir des routes dites de la soie dans le monde entier est difficile ; il y a là-dessus de quoi méditer.
Nous découvrons alors que nous sommes à la fois tous connectés à l’heure d’internet et interconnectés par nos échanges et nos marchés concrets. Nous ne sommes plus à l’abri de rien. N’en tirons pas d’autre leçon que celle de notre condition humaine.
Quels que soient les progrès de l’humanité, elle aura à affronter toujours la même question : l’égalisation des niveaux de vie des populations en croissance constante et l’uniformisation des comportements avec ce qu’on a appelé le principe de précaution dont on voit combien il est difficile à mettre en œuvre partout. Cela nous le savons depuis longtemps mais nous l’oublions tout le temps. À ces époques lointaines où l’homme souffrait sans comprendre, il s’en remettait à Dieu, à sa colère ou à sa protection. Nous savons maintenant que l’homme est condamné à souffrir et à supporter les dégâts qu’il se cause à lui-même dans sa volonté de puissance et son ignorance des limites. Le prix à payer, compte tenu de l’élévation démographique des vivants, est de plus en plus lourd. Nous vivons des temps incertains car les équilibres naturels ne sont plus respectés et ont de plus en plus du mal à l’être.
Étonnons-nous alors que la nouvelle croyance de notre temps soit l’écologie. C’est en tout cas un moindre mal mais difficile à mettre en œuvre à l’échelle du monde, comme on l’a vu avec les récentes conférences internationales. C’est pourtant la seule voie de l’avenir et du présent.