PRINTEMPS TARDIF

Qui a dit : « le passé nous construit, l’avenir nous défait » ?

Pourquoi sommes-nous saisis par une telle angoisse de l’avenir que nous voulons absolument être assurés contre tout ce qui peut arriver, le pire comme le meilleur ? Pourquoi vouloir fixer dans le marbre de la retraite, le vif courant de l’existence ? Passe encore pour ceux qui sont près de basculer dans cet âge, ou qui y aspirent, mais sont-ils tant que cela aujourd’hui ? On pourrait le croire tant la société est tétanisée par le débat qui nous occupe.

On voit bien que le sentiment dominant est la peur de l’avenir. On veut être assuré de tout et avoir l’assurance aussi de ne rien perdre au change. On croit comprendre, enfin, on a cru comprendre que la retraite par points était plus égalitaire que l’autre mais le prix à payer évidemment c’est que l’égalité enlève aux uns le plus de ce qu’elle donne aux autres. C’est ce qui provoque la colère de ceux qui s’estiment lésés. Nous voulons l’égalité quand elle nous favorise et le privilège pour la même raison. Allez gouverner avec ça !

Au fond, on n’attend rien de bon de l’avenir, ni du travail et on n‘aspire qu’à la fin du temps de travail pour couler par hypothèse des jours heureux. Mais les jours heureux ne sont-ils pas d’abord dans le temps de la jeunesse, de la nouveauté, de la tentative d’accomplissement de soi dans un métier, un travail, une « entreprise » de soi. Du reste nous travaillons de moins en moins en un siècle où nous vivons plus vieux. Ceci explique peut-être cela, il nous faut conserver des moyens de vivre comme avant d’être devenus vieux et être assurés que d’autres paieront pour ça.

Quel est cet étrange rapport à l’avenir qui nous donne à penser qu’il faut avant tout s’en prémunir ? La présence de jeunes gens dans les cortèges de manifestants me laisse rêveur.

Le progrès serait-il donc ce danger perpétuel qui marque notre avenir d’une sombre façon ? C’est à croire que les effets induits de ce qui améliore nos conditions de vie sont plus à craindre qu’à espérer !

Examinons un instant la façon dont nous avons tous ou presque pris le tournant de l’époque numérique. On pouvait croire qu’une telle évolution prendrait des siècles, mais non, quelques années seulement ! Notre capacité d’adaptation au progrès est minée par la hantise de croire qu’il sera moins bon que le passé, mais en fait on s’adapte très bien. D’où vient alors notre anxiété ?

Elle provient de l’impression juste qu’un monde ancien est en train de basculer dans un monde futur par rapport auquel nous n’avons nulle assurance-vie définitive. Et voilà pourquoi la question des retraites nous divise tant. Mais avouons tout de même que c’est un problème de vieux. Nous ne nous voyons pas améliorer notre existence, nous la voyons se reproduire à l’identique en « moins bien ». C’est comme si le temps s’était arrêté et que les conditions d’aujourd’hui seraient celles de demain. Étrange symptôme. À ce compte, l’humanité n’aurait jamais avancé.

Nous ressassons nos mécontentements à longueur de journée, de mois, d’années.

Comment sortir du ressassement perpétuel du même (les chaînes info) et de la mesure permanente du consentement des masses dont on sait qu’il est aussi conditionné que conditionnant. Nous ne consentons plus à rien, ni à l’impôt (sauf à celui que paient les autres) ni à la démocratie (on n’est jamais assez bien élu pour être légitime), ni à la loi (on a raison de se révolter) certes, mais pas pour tout et tout le temps! Le fameux « indignez-vous » lancé il y a quelques années par Stéphane Hessel a mis du temps à entrer dans les têtes, maintenant il n’en veut plus sortir.

Et pourtant, sans consentement démocratique, que deviendraient nos sociétés ? On le sait bien, des dictatures ! Le consentement raisonnable sur lequel vivent nos régimes démocratiques depuis la Révolution est remis en question tous les jours. L’incivisme est la règle, la violence la méthode, et l’injure l’expression. Voyez cette jeune fille de seize ans qui a défrayé la chronique récemment au sujet du « droit au blasphème » qui a enflammé les média, à juste titre, et divisé les consciences ; indépendamment du fond du débat, moi, ce qui m’a choqué d’abord, c’est tout simplement le vocabulaire ordurier utilisé par cette jeune élève de belle apparence. Il en dit long sur l’éducation familiale et nationale et ce qu’on en a fait. Voilà donc où nous en sommes du langage quotidien et nous savons que cela n’est pas l’exception !

Parfois, je lève la tête et regarde passer les nuages et je me dis : Quel drôle de vent mauvais souffle sur la France depuis plus d’un an ? On aimerait tant que cela cesse et qu’on voie refleurir le goût de vivre dans notre belle nation comme les primevères au printemps.

Quelque chose me dit cependant que cette année encore, le printemps sera tardif !

 

 

 

 

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