L’ÉTOFFE DE NOS RÊVES.

Nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves dit Shakespeare, la métaphore est belle mais l’étoffe en tant que telle peut être aussi un cauchemar. Allez demander aux femmes Afghanes recouvertes de la tête aux pieds de cette burqa qui leur laisse voir le monde au travers d’une grille textile ce qu’elles en pensent, maintenant que le nouveau régime les a de nouveau recouvertes de ce linceul ? Allez demander aux Iraniennes dont la police des mœurs surveille si elles portent le Niqab de manière règlementaire ? Allez demander à toutes celles que cette contrainte aliène ou terrifie si elles sont faites de l’étoffe des rêves de l’Arabie heureuse et des danses de Shéhérazade, des Mille et une nuits, même si c’est aussi une construction de l’orientalisme ? 

Quoi qu’il en soit, on meurt pour ça aujourd’hui en Iran, mais aussi en Afghanistan et dans d’autres endroits où les femmes sont ainsi contraintes, songent à se révolter et parfois comme en Iran, le font au péril de leur vie .

Mais voyez aussi dans nos pays occidentaux comment on s’en recouvre partiellement ou totalement sans qu’on sache bien si c’est sous contrainte ou par volonté d’affirmation identitaire. Les deux sans doute. Ce qui fait qu’on ne peut généraliser.

La seule chose que l’on puisse dire étant que là où c’est une obligation, la liberté consiste à chercher à s’en défaire et là où c’est une interdiction, la liberté individuelle consiste à le revendiquer.

La liberté, voilà l’enjeu. La liberté et la volonté d’affirmer une identité, une appartenance, une différence, voire une opposition aux valeurs d’une société dans laquelle on vit, surtout si elle est de nature tolérante. Le voile est un étendard, un drapeau, un bout d’étoffe et bien plus encore. En cela il ne diffère pas beaucoup de ce qu’est un vêtement qui protège et qui expose en même temps, car l’enjeu on le sait bien est culturel et religieux à la fois.

C’est que le vêtement, même s’il n’est plus ou pas tout à fait un uniforme a quand même valeur d’exposition de soi et de signe social. La mode, parce qu’elle est un jeu du corps et autour du corps, a été la grande réponse à l’uniforme en ce qu’elle mettait la fantaisie là où était la règle et l’ordre (uniformes militaires, religieux, professionnels). Ces derniers sont toujours à l’ordre du jour : les pompiers, les policiers, les médecins en blouse, les curés parfois en soutane ou plus discrètement en col blanc et croix au revers du veston (mais ici on est dans le registre des signes de reconnaissance discrets) en attestent. Le vêtement n’est jamais neutre. Le jour ou Mao a fait sa révolution il a imposé la vareuse bleue à tout le monde avec le col Mao bien sûr. On était sûr ainsi que celui qui ne se conformait pas au code social était un opposant, bon pour la corde ou la balle dans la nuque. 

Cependant, toujours et partout on a dérogé à la règle, on a subverti le code par moins ou par plus de contrainte. Même la tenue dite convenable des bourgeoises du second Empire (les jupes à fanon, les tissus de style tapissier, les jupons empilés) finit à la fin du XIX° siècle par être abandonnée : plus de robes à volants, de crinolines et la femme du XX° siècle, la femme libérée et « en cheveux » parut en société avant de rejeter corset et contraintes. Ce vent de liberté souffla partout, le monde musulman aussi se dévoila au féminin avec ardeur comme partout ailleurs. Aujourd’hui, dans ce monde-là, on enferme, on contraint, on oppresse, cette petite Iranienne qui a voulu un peu trop montrer sa belle chevelure l’a payé de sa vie.

Quel est donc ce mauvais vent du sud qui interdit soudain toute liberté de soi et impose aux femmes une contrainte des siècles lointains ?  C’est une question, mais il en est une autre : que signifie cette volonté de certaines femmes musulmanes ou converties, d’afficher chez nous ces voiles plus ou moins enveloppants comme un geste de défi ou un signe d’appartenance ?

Elles feraient bien d’y réfléchir à deux fois. L’oiseau encagé qui a renoncé à voler en liberté, le jour où la porte de la cage s’ouvre à nouveau risque bien d’être mangé par le chat !

Mais que pouvons-nous changer à ces choses qui s’emmêlent dans les cervelles des humains et les font agir si souvent contre leurs intérêts. Comment appelle-t-on ça déjà ?

La servitude volontaire.

Sous cette forme elle est plaisante, l’ennui c’est que lorsqu’elle est devenue une habitude ou un marqueur social, on ne s’en débarrasse plus aussi aisément. C’est alors dans le sang, les larmes et la poussière qu’il faut regagner sa liberté. Voilà ce que je pensais en regardant les images de ce qui se passait en Iran en ce mois terrible d’octobre où l’on sentait la proximité de la guerre partout autour de nous, après avoir croisé dans ma rue de ces silhouettes dont la présence se multiplie sous nos yeux, non point que je m’en offusque mais que cela me donne à réfléchir.

Partager

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *