C’est bien la seule note d’espoir qu’on a entendue le soir même de l’incendie de Notre Dame de Paris, une fois le désastre constaté : on va la reconstruire. Tels furent les mots employés par le président de la République.
Il n’y a rien à ajouter à l’expression de l’émotion ressentie en France et à l’étranger, tellement ce symbole de l’art chrétien occidental avait franchi les limites de la religion pour appartenir au patrimoine mondial de l’humanité.
C’est pourquoi la question de sa restauration devient centrale.
On apprend, ou l’on se souvient que ce bâtiment pour immuable qu’il soit a déjà fait l’objet de restaurations et de modifications. Les plus importantes là comme en d’autres édifices médiévaux ont été décidées au XIX° siècle par Viollet-le-Duc qui en aurait accentué l’inspiration romantique en premier lieu par l’adjonction de cette flèche de plus de 90 m de haut qui vient de s’effondrer sous l’effet de l’incendie.
Il y a fort à parier que celle-ci sera au cœur des discussions lors de la restauration. Faut-il la reconstruire telle quelle, ou faut-il redonner au bâtiment son allure ancienne ? Le XIII° siècle contre le XIX° en somme.
Des décisions récentes ces dernières décennies prises par les architectes des monuments historiques ont plutôt fait pencher les choix vers le retour à l’origine comme à Carcassonne ou à Toulouse où la basilique St Sernin a retrouvé son allure fortifiée allégée un temps par les avants toits de Viollet-le-Duc.
Reste que la reconstruction à l’identique est la grande question, ne fût-ce que par le choix des matériaux, les bois en particulier et leur assemblage si ingénieux. Il semble que la France dispose des plans détaillés de la construction, des artisans capables de cet exploit et des forêts pour fournir les chênes nécessaires à cette entreprise. Mais un tel choix impliquera une durée très longue alors que l’on dispose depuis des technologies mieux adaptées à une telle reconstruction, en prenant en compte le fait que l’édifice affaibli par le feu ne pourrait probablement pas supporter une charpente de bois à l’ancienne, compte tenu de son poids.
Le principe de la restauration à l’identique de l’existant n’est, du reste, pas le choix de tous les pays et de toutes les cultures. Les Japonais par exemple qui possèdent beaucoup d’immeubles et surtout de temples en bois, les reconstruisent minutieusement à l’identique, mais sans vouloir pour autant conserver les matériaux d’origine. Le concept étant à leurs yeux plus important que la matière dans laquelle il s’incarne. On se souvient peut-être que l’un des plus beaux temples, la Pavillon d’or, chef-d’œuvre de l’architecture Zen à Kyoto qui date du XIV° siècle, qui est aussi vénéré que l’est Notre Dame en France, a été de nombreuses fois incendié et reconstruit. Le grand écrivain Mishima en tirera un best-seller qui porte ce nom. Il raconte comment un moine fanatique ne pouvant supporter tant de beauté l’avait alors incendié et comment il fut reconstruit.
Cultures différentes, conceptions différentes, l’une édifie en bois selon le concept de beauté ou de perfection, l’autre construit en pierre dans un souci beauté et d’éternité car les cathédrales sont comme le disait Hegel l’expression de « cet élan gothique pour escalader le ciel » conçu en un temps de foi et de croyance en l’éternité des formes.
On pourrait alors espérer que dans la période de doute que nous traversons, le peuple français puise dans cet élan une double ferveur, spirituelle et laïque, pour se reconstruire en éteignant les incendies qui le déchirent. Mais il y faudra sans doute davantage qu’un Te Deum, quoique ce peuple ait toujours révélé des ressources inattendues aux moments les plus tragiques de son histoire.