LA GRANDE HISTOIRE PRODUIT PARFOIS DE PETITS HOMMES

À une époque où il faut frapper l’imagination des foules, impressionner les esprits faibles, terroriser les consciences, la recette ne change pas, c’est la pratique de la terreur qu’on emploie. Ce qui change, c’est la forme et la mise en scène. Nous venons d’en être témoins à quelques mois d’intervalle avec ces guerres modernes dont l’épicentre se trouve au Moyen-Orient.

Voilà donc que les terroristes de Daesh s’en prennent aux statues Assyriennes du musée de Mossoul comme avant eux d’autres « illuminés » ou « obscurantis » plutôt, s’en étaient pris aux Mausolées de Tombouctou et aux Bouddhas de Bamyan. « Bis repétita ». Après avoir fait circuler sur les vidéos, les égorgements d’otages appelés décapitations, ces criminels accomplissent leurs forfaits contre la culture, au nom d’Allah ou plutôt du prophète, au motif, a-t-on entendu, que tout ce qui précède sa venue sur terre est impie et doit être détruit. La fameuse table rase des idéologues en somme qui ont toujours ce phantasme de vouloir commander le commencement du monde. Voilà les faits et s’ils sont à ce point révoltants et écœurants, ce n’est pas seulement par leur cruauté, mais tout autant par la bêtise qui se manifeste là dans sa forme la plus pitoyable : l’inculture. Ou alors, car ces faits sont aussi commentés en même temps qu’accomplis, cela correspond à la volonté d’indigner l’occident et le monde : puisque vous attachez tant de prix à ces choses, voilà ce que nous en faisons, car nous vous détestons plus que tout et voulons à la fois vous abattre, vous humilier et vous atteindre dans vos valeurs. C’est le nouveau langage de la guerre des images, connu en d’autres temps déjà, on appela cela, l’iconoclasme au temps de Byzance. Car de tout temps le vandalisme, puisqu’on lui donne ce nom depuis que les Vandales venus du nord ont mis Rome à sac quelque part à l’horizon du V°siècle, a eu pour effet de détruire les signes de civilisation et de croyance. Les Chrétiens qui en soufrent aujourd’hui l’effet dans ce Moyen-Orient où se produit un génocide religieux à leur endroit dont on ne parle pas assez, l’ont pratiqué dans les campagnes d’évangélisation dans le monde où l’on détruisait consciencieusement les idoles païennes et leurs temples. Les Protestants au XV° siècle prirent également leur part dans la démolition de la pompe ecclésiastique qui contrevenait à leur goût du retour à la bible des origines et il n’est que de se souvenir des dégâts de la Révolution française pour voir le vandalisme devenir un adjectif qualifiant dans la bouche de l’Abbé Grégoire en 1794 devant les destructions du patrimoine religieux de la France, la crypte de la Cathédrale des rois à St Denis, en tête. Tout ça pour dire que le vandalisme culturel a toujours trouvé les motifs qu’il lui fallait pour faire reculer la cause de la civilisation. Reconnaissons tout de même qu’il choisit à peu près toujours le même prétexte, la religion ou ce qui lui ressemble, l’idéologie. (souvenons-nous de la révolution « culturelle » chinoise ou Khmère), On aurait pu penser qu’après quelques millénaires de civilisation, d’éducation et de culture, un certain nombre de valeurs qui ne sont pas liées à telle ou telle culture, mais relèvent de l’humanité de l’homme de sa capacité à respecter ce qui l’honore de son titre d’homme et l’élève au-dessus de sa condition, ferait au minimum consensus. Il nous faut bien constater qu’il n’en est rien. Alors, pleurons sur les taureaux de Khorsabad abattus, sur les statues d’Assur et de Ninive, sur les tablettes des premières écritures cunéiformes en terre cuite brisées, pleurons sur le piétinement de ces endroits où l’humanité inventa l’écriture. Ce que l’on voit là à l’œuvre est à désespérer. Malgré tout, il faut se faire une réflexion. Tant de savants, d’archéologues, d’épigraphistes, de bibliothécaires ont travaillé pour identifier, classer et conserver ces témoignages que ceux-ci sont connus et resteront, leur présence physique heureusement se répartit dans les grands musées du monde, les plus beaux sont au Pergamon de Berlin, au Louvre, au British Muséum, au Métropolitan de New-York où ils sont préservés, entretenus et étudiés. Et ceci nous amène incidemment à réfléchir sur les recommandations de l’UNESCO qui consistent à vouloir rendre aux pays concernés leurs supposé patrimoine culturel. Ne faudrait-il pas se demander, dès lors qu’un patrimoine devient non celui du peuple qui momentanément occupe les lieux où ils se trouvent, s’il ne devient pas de facto celui de l’humanité tout entière et si les chef d’œuvres ne doivent pas rester dans les musées où on peut le mieux les conserver quand c’est possible, car leur perte, lorsqu’elle est le fait de ce vandalisme primaire est alors définitive. On découvre alors que tous les peuples, quoi qu’ils en aient, ne méritent pas tous forcément leur passé. La grande histoire produit trop souvent de petits hommes.

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