Il a foulé les planches du Parvis à de nombreuses reprises et le public de la scène nationale le connaissait bien, mais l’équipe du théâtre l’appréciait comme un ami, un camarade de la scène et cet hommage souvenir en témoigne:
Il faut parler de Guy Bedos. Voilà un personnage qui est venu souvent au parvis et ce dès les années 75. Guy Bedos était alors dans la pleine maturité et avait trouvé son personnage de râleur sympathique. Son entrée en scène à la façon d’un boxeur était caractéristique. Il fonçait d’abord, puis tournait comme un lion en cage balançant des formules propres à faire mouche à chaque fois. Il fallait le voir conserver son attitude de boxeur à demi courbé comme pour donner et recevoir des coups. Le plus étonnant donc était aussi d’observer ses mimiques toujours entre la déclaration fracassante qui venait de franchir ses lèvres et le sourire qui venait immédiatement l’effacer figeant son visage dans une sorte de masque de clown, yeux plissés de malice, bouche ronde, air étonné du gosse mal élevé qui vient de lâcher un gros mot ou un pet et qui demande à ne pas être grondé. Mais ce clown provocateur savait toucher juste, et son sourire en fin de compte adoucissait simplement son trait d’un air convenu.
Guy Bedos montrait là une de sensibilité à fleur de peau, confrontée à des situations sociales dont on sentait bien qu’elle l’avaient blessé, atteint, et qu’elle s’exprimaient tout autant en défense qu’en attaque.
Parmi celles-ci il y avait évidemment sa réaction d’humour et son trait incisif contre la bêtise, le racisme qu’il avait connu en Algérie où il avait vécu toute son adolescence, mais plus profondément, il y avait une blessure secrète qui apparaissait de plus en plus nettement spectacle après spectacle, celle de ses rapports difficiles avec sa mère. Sa mère objet d’admiration, de rejet, d’exécration et d’amour tout ensemble. Tant de sentiments ressentis de façon si complexe, si contradictoire, qu’il fallait, pour les exprimer, toute la subtilité de ce dialogue ininterrompu entre cris, reproches, disputes, ironie, phrases blessantes qui font le quotidien de couples impossibles. Et c’est dans ce rapport là dans cette mise en scène là de ces blessures les plus profondes, que l’humoriste était le plus touchant.
L’autre aspect concerne son positionnement ou sa posture politique « À gauche toute », jusqu’à la caricature, mais la caricature est précisément l’art de l’humoriste, on lui pardonnait ainsi, d’autant plus, ses parti pris, que le public était venu pour cela et en redemandait. C’était un vrai plaisir de le voir brocarder les hommes politiques de droite de préférence mais aussi de gauche, parfois avec cet art de l’anecdote et de la phrase assassine qui fait tout son talent. La revue de presse qui terminait ainsi régulièrement son spectacle prenait de plus en plus de place dans son spectacle et justifiait à elle seule la faveur dont il jouissait auprès du public.
Mais je parlerai d’un Guy Bedos plus direct, descendu de scène et bavardant dans les loges ou au bord de scène. Le souvenir du comédien démaquillé, descendant de sa loge en Jean et s’asseyant avec l’équipe du plateau où avait eu lieu le spectacle, écoutant, intervenant sans se hausser du col, rigolant aussi, bon copain en somme, très proche des gens, vachard dans ses remarques aussi bien mais brave gars et amical tout autant. On avait, avec lui, l’impression de faire partie du même monde, celui de la scène entre ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, tout ce monde qui s’agite en coulisses pour qu’un spectacle ait lieu.
Ainsi, au fil des saisons –et il est venu souvent au Parvis – on l’a vu blanchir de la toison, changer de sujet parfois, se plaindre que la gauche au pouvoir, à l’arrivée de laquelle il avait contribué, lui donne du fil à retordre, le temps qu’elle ait fait les conneries indispensables à nourrir sa chronique ce qui ne manquerait pas d’arriver et lui donnerait l’occasion navrée de donner quelques coups de bâton à ceux qui le méritent. Tout cela a duré longtemps et puis est venu le temps des Zéniths et Guy Bedos pouvait passer au Zénith de Pau, tout proche, pour lequel il avait milité du reste avec les amis de la chanson de cette ville qui avaient su faire pression sur le maire pour que se construise ce grand équipement. Nous le verrons alors de plus loin, avec la même sympathie, mais avec moins de familiarité