un nouveau musée éponyme
On l’a appris à la fin du mois dernier, le Président Macron suivant le vote des députés a donné son accord à la modification de l’intitulé du Musée d’Orsay consacré aux artistes du XIX° siècle à Paris qui s’appellera désormais : » établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie , »Valery Giscard-d’Estaing « , un titre un peu long comme on voit, qui ne changera peut-être rien à l’appellation habituelle de « Musée d’Orsay » mais qui figurera comme tel dans toutes les correspondances et attributions officielles. Ainsi monsieur Giscard d’Estaing rejoindra la cohorte de ses prédécesseurs : « le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou » familièrement appelé : Beaubourg, ou Centre Pompidou, « le musée du quai Branly – Jacques Chirac » dont le nom a aussi été ajouté au lieu qui a longtemps cherché le sien : musée d’Art nègre (impossible à appeler ainsi aujourd’hui), musée d’arts primitifs (pour les mêmes raison) ou encore Musée des Arts premiers (qui a longtemps eu la faveur des amateurs) et qui fut, pour éviter toute polémique, finalement baptisé de son adresse au Quai Branly. Le nom de Chirac venant y souligner l’intérêt porté par l’ancien président à sa conception.
Et puis, il faut évoquer aussi, sinon surtout, car ce fut le champion de la création des établissements culturels : François Mitterrand puisqu’il acheva et inaugura les projets de son prédécesseur V.G-E précisément à Orsay, à La Villette, à l’Institut du monde arabe et conçut ou approuva nombre de réalisations à Paris comme en province : le Grand Louvre, l’Arche de la défense, l’opéra Bastille, et surtout la « Bibliothèque nationale de France – à laquelle on ajouta son nom, ce qui convenait à un homme épris de littérature comme lui.
Et voilà pourrait-on dire ! Chaque président ou presque a son lieu, non point son tombeau comme Napoléon aux Invalides ou son Palais comme celui de Louis XIV à Versailles, mais son bâtiment éponyme où se conserve la trace de sa gloire et de sa mémoire.
La dénomination d’un lieu par l’évocation de son nom est quelque chose comme un à-valoir de l’histoire qui donne blanc-seing pour la postérité. Mais ce n’est pas si facile que cela. Chaque fois les projets de ces présidents furent contestés, leur œuvre méprisée ou critiquée, la légitimité de leur nom âprement discutée. Il fallut la ténacité de J.Chirac pour obtenir la réalisation du Musée Pompidou, cette « usine à gaz » aux tuyaux de couleur qui déplaisant tant à VG-E, lequel finit quand même par l’inaugurer. Même chose pour la réalisation du « Quai Branly ». Le sommet étant atteint avec l’abandon du projet de Nicolas Sarkozy de faire une « Maison, Musée de l’Histoire de France ». Là encore le projet mal engagé ne survécut pas à la volonté son successeur, d’effacer toute trace de ce qui aurait pu un jour devenir un lieu mémoriel. C’est donc, depuis trois présidences, la mise en sommeil de ces lieux de mémoire et de gloire posthumes.
Faut-il s’en désoler ? En un sens oui, car ces projets, petits ou grands, avaient en vue le temps long, le passé la plupart du temps, ce qui est bien l’objet des musées, mais l’avenir aussi d’une autre façon vers lequel ils font signe.
C’est comme si soudain nous étions encalminés dans un présent éternel, incapables de nous projeter vers l’avenir et incertains de notre passé mémoriel, si fortement décrié par les minorités qui ne s’y retrouvent pas aujourd’hui et réclament « leur part de mémoire » et pourquoi pas leur musée. Tout se passe comme si notre histoire commune hésitait sur sa route, suspendait sa grandeur, doutait de sa mémoire ou en tout cas s’apercevait que chacun ne voulait plus célébrer la même.
Ce n’est donc pas un signe anodin que celui de ces députés et de ce Président ont donné en avalisant la nomination d’un lieu culturel comme celui du « musée d’Orsay » qui concerne le XIX° siècle à V G-E. Ce siècle aura été probablement celui d’une double rupture : avec l’art classique devenu soudain « pompier »(du nom des casques qu’aimaient à peindre les artistes de l’époque) au profit des impressionnistes allant peindre la nature sur le motif et celui de l’industrialisation dont les mêmes ont peint les première grandes réalisations : Monet (les 12 toiles de la gare Saint Lazare par exemple) Renoir (les chalands sur la seine) Pissaro (le bassin de Dieppe à marée basse). D’une certaine façon M.Giscard d’Estaing aura incarné cette double figure, réformatrice et conservatrice. Au total son nom sur ce musée est un choix avisé.
Du reste, il faudra voir avec l’usage, il n’est pas certain que tous ces bâtiments restent connus par le patronyme qu’on leur a adjoint, mais cela marque à tout le moins une époque, la nôtre, où la gloire et la mémoire se mesuraient à la place que l’État accordait aux entreprises de ces hommes qui ont un temps gouverné la France.