CONFINEMENT ET LIBERTÉ

Il y a un an presque jour pour jour commençait le premier confinement en France dont nul n’imaginait qu’un an après, il serait toujours d’actualité. Oh, vous me direz, il a pris bien des formes, des périmètres, des catégories d’interdictions différents, on l’appela « confinement » puis couvre-feu », mot qu’on n’avait plus entendu depuis l’époque de la guerre que nombre d’entre nous n’ont pas connue, mais c’est la même chose. 

Et voilà qu’aujourd’hui, on se rend compte que l’on est relativement impuissant. Alors la tactique change ou plutôt elle se complète de la stratégie vaccinale. Tous les peuples s’y mettent et il est vrai que l’on peut considérer comme une grande avancée de la science médicale le fait d’avoir pu mettre en circulation un vaccin en si peu de temps. On regrettera cependant que dans la patrie de Pasteur, notre orgueil national n’ait pu se targuer d’une découverte et d’une mise au point rapide d’un tel vaccin comme les autres grandes nations, mais il faut s’y faire. On règlera ces questions plus tard si on le peut, le pays s’étant trouvé en défaut sur tant d’aspects de réponse à ses besoins essentiels que nul ne veut ouvrir cette boite de pandore trop tôt.

Mais il y a plus grave, car ce qui frappe lorsqu’on examine ce qui a changé en si peu de temps à bas bruit et avec un sentiment de peur diffuse, c’est la restriction des libertés.

Au début, la société sidérée et un peu incrédule y consentit en se disant qu’un confinement limité dans le temps était peut-être le prix à payer de notre sécurité et tranquillité. Mais voici que la nocivité de ce virus échappe à toutes les stratégies et qu’il faut à nouveau refermer, contraindre, limiter, exiger, interdire, tous mots ou maux dont on avait un peu perdu l’habitude. Certes, nul ne veut contrevenir à la sécurité de tous, mais chacun s’interroge sur l’efficacité de la méthode et la qualité de vie s’en ressent.

Quant au gouvernement, il fait ce qu’il peut et franchement, qui voudrait être à sa place alors qu’il n’y a que des coups à prendre, mais entre décisions approximatives, mensonges diplomatiques, coups de menton intempestifs, le citoyen est souvent perplexe. On se dit parfois que s’il y avait davantage de compréhension de part et d’autre, une meilleure solidarité dans l’épreuve ce ne serait pas plus mal.

Toutefois, le pilotage public est de plus en plus autoritaire et se fait dans une absence de concertation inquiétante. L’administration applique des directives avec une raideur qui donne un sentiment d’indifférence aux problèmes des gens. Des secteurs entiers d’activité sont concernés et pour certains d’ores et déjà ruinés. L’aide reçue est comme une bouée de sauvetage jetée en pleine mer à ceux qui savent déjà qu’ils ont perdu leur bateau et que s’ils s’en sortent, ce sera tout seuls. La qualité de vie et de relation qui faisait le charme de notre société en est affectée, la convivialité est combattue car potentiellement dangereuse, le couvre-feu semble parti pour durer longtemps supprimant toute vie sociale extra professionnelle, la culture est abîmée dans toutes ses dimensions et elle mettra du temps à reconstituer la connivence avec son public par destination qui perd peu à peu ses habitudes. On sent bien qu’une génération est en train de décrocher, une autre lui succèdera sans doute, davantage branchée, connectée, instrumentalisée, appareillée, d’écrans et autres machines à communiquer. Le livre et la lecture en sont d’ores et déjà atteints. Et là encore quel imbroglio, entre les proclamations officielles qui donnent à ces commerces le label de « commerce essentiel » qu’on leur avait dénié dans un premier temps, voilà qu’on en autorise certains à ouvrir et pas d’autres ; allez vous y retrouver ! La parole officielle prend beaucoup de liberté avec les libertés et il est déjà certain que l’assentiment des intéressés est soumis à rude épreuve.

Encore une fois, nul ne veut le mal des autres et la solidarité est essentielle, mais comment être solidaires de dispositions discriminantes plus ou moins justifiées, et surtout changeantes au fil du temps. Le mauvais côté de la France, État suradministré dont on connait la lourdeur est en question une fois de plus alors qu’on voit des pays moins corsetés qui s’en sortent mieux et jouent davantage sur l’assentiment des citoyens que sur la directive et l’amende. Vieux problème politique récurrent dans notre vieux pays : l’État veut des citoyens obéissants mais le citoyen veut un État et son administration plus compréhensifs. Là réside une part du malaise français.

Au bout d’un an de ce régime, on sent bien que les Français sont las, voire excédés qu’on décide pour eux, même si c’est en déversant des sommes colossales dans le trou sans fond des besoins collectifs. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il faudrait remettre un peu de souplesse dans le pilotage du navire. La qualité de vie « à la française » s’accommode mal de la privation durable de liberté.  Pense-t-on sincèrement que les Français accepteront de subir ce traitement un an encore sans réagir ? On ferait bien de s’en soucier un peu plus en haut lieu.

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