Commission Karmitz: Conseils pour la création artistique

On allait voir ce qu’on allait voir. Alors que le ministère de la culture confié à Christine Albanel voguait en plein brouillard face aux écueils de la loi Hadopi, ou aux laborieux entretiens de Valois, le président de la République pour donner « une vision et un projet » à la culture, nommait une « Think tank » confiée au producteur de cinéma Marin Karmitz

Marin Karmitz qui s’était déjà illustré comme conseiller du Ministre Lang en 93 en présidant la commission culture du XI°Plan était invité à donner des idées à un ministère qui en serait dépourvu. Le 9 Septembre, cette commission remettait sa copie devant une assistance choisie accompagné de la dizaine de membres qui la constituent. A la lecture de ses recommandations, on ne peut écarter une impression de déjà vu. Le soutien à la jeune création rappelle furieusement « le coup de talent dans l’Hexagone » lancé par Lang en 1982, de même l’orchestre de jeunes amateurs issus des cités ou l’école de cinéma nomade rappelle « les projets anti fracture sociale » de Douste-Blazy, les projets parisiens relèvent plutôt de la tutelle régionale ou municipale, quant à la diffusion d’opéras dans les salles de cinéma elle est déjà en cours et l’orientation vers les nouvelles technologies de même. On ne peut se défaire de l’impression que l’on a en quelque sorte pioché dans les années Malraux (pour la diffusion) dans les années Lang (pour la créativité) dans les années qui ont suivi (pour la dimension sociale de la culture). Les idées qui forment l’énoncé des dix mesures présentées, une par participant en somme, sont toutes dans l’air du temps. Ce ne sont pas de mauvaises idées mais elles ne nécessitent pas forcément le concours d’une commission pour être formulées. On a l’impression d’être en présence d’un catalogue de bonnes intentions formulées par des professionnels qui en seront du reste les premiers bénéficiaires et dont on se demande dans le cas où la greffe prendrait s’ils en assumeraient la suite. De fait cette « Think tank » apparaît un peu comme une « Thin tank » comme diraient les mauvais esprits. On comprend alors pourquoi les milieux professionnels concernés sont si remontés contre ce conseil qui apparaît comme un « machin » coûteux de plus (dix millions quand même) aux perspectives incertaines. En fait il semble répondre à l’unique question que se pose le chef de l’État et ses conseillers on imagine : comment établir des passerelles entre un milieu culturel potentiellement hostile et politiquement à gauche et un pouvoir qui cherche un accord minimum sur les enjeux culturels de l’époque? Réponse : en mobilisant des bonnes volontés plutôt marquées à gauche et des intermédiaires qui assureront un consensus en fin de compte toujours difficile à établir. C’est le même scénario qu’en politique, lorsque le pouvoir est à gauche, il doit donner des gages à la droite et lorsque c’est l’inverse, à la gauche, les nominations ministérielles appelées débauchages n’ont pas d’autre explication. A l’époque de Mme Albanel, face à l’hostilité générale, la création de ce conseil culturel était une tentative pour desserrer l’étau où se trouvaient coincées ses initiatives. Avec la nomination de Frédéric Mitterrand, il n’est pas certain que les besoins soient les mêmes car par sa personnalité, son histoire et son discours, ce dernier dessine seul au plan symbolique et pratique ce trait d’union recherché par le pouvoir. Voilà un ministre en effet qui redonne à droite une forme d’espoir, « notre nouveau Malraux » ont dit, un peu vite, les congressistes aux universités d’été de la majorité. Las, immédiatement après, ledit ministre a été conspué à la fête de l’Huma, ce qui vaut, un temps, sauf-conduit pour l’enfer. Le problème reste donc posé : comment rétablir un certain consensus sur les valeurs culturelles souhaitables pour tous, comment relancer une politique culturelle nationale ? À Gauche on veut des lois qui contraignent l’État à subventionner la culture, lois d’orientation puis de programmation votées au parlement assurant la pérennité des engagements publics contre vents et marées. À Droite on prône la réduction des déficits, la réforme générale des politiques publiques, une évaluation des résultats et un meilleur partage des responsabilités. Entre les deux, il y a la dure réalité des finances publiques et de leurs capacités réelles à soutenir une politique, il faut entre temps occuper l’espace médiatique qui s’émeut dès lors que n’y résonne aucune de ces polémiques dont les Français sont si friands. Pour l’heure les réglementations de la loi Hadopi et autres, accaparent les responsables et l’on est encore dans l’attente de l’annonce d’une politique culturelle par le nouveau ministre. En attendant, ce dernier inaugure beaucoup, se manifeste partout et fait de beaux discours. Ce n’est pas insignifiant, il y a longtemps en effet que la culture ne faisait pas l’objet de telles attentions, cantonnée qu’elle était à des questions strictement budgétaires. Que ce dernier ait la force de convaincre et d’entraîner sa majorité à soutenir une ambition nouvelle et il rendra inutiles toutes ces commissions et autres conseils chargés d’en orienter le cours. Qu’il n’y parvienne pas et alors fleuriront les conseils et conseillers à la cour. Ce fut vrai de tout temps et il n’y a aucune raison pour que cela change.

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