SYMBOLIQUE DE L’ART

On l’aura remarqué parce que la communication est importante sur cet événement et que le nom de l’artiste Daniel Buren est connu, mais, la « mise en couleur » qu’il a réalisée au Grand palais à Paris dans le cadre de « Monumenta », mérite qu’on y consacre quelque attention.

On fera d’abord remarquer que Daniel Buren est l’un des artistes français, les plus connus dans le monde. En France, il est célèbre depuis 1986 au moins, au motif que ses fameuses « colonnes » en marbre noir et blanc, placées dans la cour de Palais Royal, étaient devenues une « affaire d’État ». Rappelons-nous, c’était Jack Lang qui avait commandé cet aménagement et il fut terminé alors que la gauche dût , cette fois, céder le pouvoir à la droite. Les colonnes illustrèrent la querelle : « Pour ou contre l’art contemporain » qui déplaçait l’antagonisme du plan politique au plan artistique. Par la suite, les colonnes, comme la pyramide du Louvre et tant d’autres œuvres d’art ont été intégrées au paysage et ont été plébiscitées tant par les Parisiens que par les nombreux visiteurs. Et Buren n’en a pas moins continué son ascension, réalisant de nombreuses expositions et réalisations « in situ » comme « la place des terreaux » à Lyon (encore des colonnes !), « le grand pont rouge » de Bilbao, ou l’installation faite au musée Guggenheim de New-York. Faire appel à ce grand artiste après d’autres, Anish Kapoor ou Richard Serra, pour « Monumenta », était dans l’ordre des choses. Aussi, ce n’est pas cet aspect qui nous retient, mais plutôt, la portée symbolique de son geste et le moment de sa présentation. Une fois encore, son œuvre se trouve chronologiquement placée à un endroit du calendrier qui correspond à un changement politique en France. Et ce que montre, cette œuvre, en s’installant dans l’un des plus beaux monuments de Paris, c’est comme une possibilité de changer notre perception des choses. Au ciel gris de la capitale dont la lumière traverse l’immense verrière blanche, Buren a substitué les couleurs de l’enluminure. Il a ainsi recouvert la grande coupole zénithale de damiers bleus, comme l’aurait fait un peintre de la Renaissance chargé de peindre une nef d’église italienne. Il a ensuite installé, un plafond bas, composé de centaines de disques de couleur, translucides, selon un modèle mathématique persan utilisé à l’Alhambra de Grenade nous dit-on, qui consiste à combiner des cercles tangents les uns aux autres en laissant le moins d’espace possible entre eux. Et le résultat est superbe. On passe d’un monde gris à un monde en couleur. Ce n’est pas le passage de l’ombre à la lumière, tel que l’avait annoncé jadis un ministre socialiste de la culture, enthousiaste, mais de la lumière à la couleur, du réel à l’imaginaire. Qu’en aura pensé un François Hollande, tout juste élu, qui était présent au vernissage le 9 Mai, lui qui promettait, il y a peu, de « réenchanter la France » ? Il avait là, sous les yeux, une illustration et une méthode, certes toute cosmétique, d’y procéder. Il aura pu méditer aussi sur cette aspiration Française à se protéger du monde en projetant au-dessus de soi un écran coloré qui sépare de la réalité. Et il aura pu se dire aussi que, lorsque l’écran sera retiré fin Juin, et le lieu rendu à sa destination, il faudra bien regarder les choses en pleine lumière. Mais qui pense qu’il ignore ces choses et que la symbolique des situations a tellement d’importance? Les artistes sans doute et leurs commentateurs évidemment !

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