LE PAPE AUX BERNARDINS

Au moment où la « renonciation » à sa charge par un pape en exercice étonne et surprend la monde, je me remémore le souvenir de celui qui en une douce après-midi de septembre 2008 avait invité « le monde de la culture » désignation assez vaste pour que tous ceux qui en avaient la curiosité puissent y trouver une place, à venir le rencontrer lors de l’inauguration du couvent des Bernardins nouvellement restauré à Paris.

Véritable événement malgré tout que celui où un Pape vient chercher à dialoguer avec un milieu généralement considéré comme sinon hostile, du moins largement indifférent aux choses de la religion. Et de quoi donc parla ce pape en ce Vendredi 12 Septembre ? « des origines de la théologie occidentale et des racines de la culture » liées au monachisme occidental puisque nous étions dans des murs bâtis par « les fils » de St Bernard de Clairvaux. Évoquant les grandes fractures de l’occident à la fin du Moyen-âge et la migration des peuples, le Pape rappela que les monastères furent des lieux où se forgea une culture nouvelle autour d’une seule injonction : « Querere Deum » la recherche de Dieu. En effet, ces moines qui s’enfermaient non seulement pour célébrer leur culte mais surtout pour chercher Dieu et le rechercher par l’étude dans la bibliothèque au cœur de tout monastère et par le travail, étaient bien dans une « école au service du seigneur » selon les mots de St.Benoît. Ici, le Pape surprit en attestant que cette recherche d’essence communautaire par la parole qui lui donne naissance devait être chantée, car dit-il « pour prier, la musique est nécessaire » c’est ce qu’indiquent les psaumes dont deux d’entre eux dans la liturgie chrétienne sont l’illustration : le gloria et le sanctus . Bien des auditeurs avaient alors en tête l’écho de la grande musique religieuse celle de Mozart et Bach ou encore de Messiaen. Et l’on pouvait se souvenir de cette remarque de Mallarmé qui disait que l’on se projetait à la hauteur où va le chant. Benoît XVI ajouta alors que c’est de ce désir de parler à Dieu qu’est née la grande musique occidentale. A méditer, en effet. Mais les Ecritures s’adressent aussi à l’intellect et à ce titre dit encore le Pape, il convient d’être attentif au pluriel du terme : les Écritures. Dieu, selon lui, nous parle dans l’humanité des hommes, à travers leurs paroles et leur histoire, c’est pourquoi l’Écriture a besoin de l’interprétation, (les écritures multiples) c’est même cela qui fait le lien entre l’intelligence et l’amour. Pour autant cette recherche ne doit pas laisser le corps de côté. Les moines sont là aussi pour effectuer un travail physique à l’image du Dieu créateur et le Pape eût cette formule : « Dieu travaille ». Ainsi par le travail et par l’étude des Écritures se révèle à l’homme une direction, un mouvement dont les moines montrent le chemin en découvrant en même temps le lien entre l’Universalité de Dieu et celle de la Raison « ouverte » à lui. Théologie rationnelle. Le Pape pouvait alors conclure, qu’à ses yeux, ce qui a fondé la culture de l’Europe était bien la recherche de Dieu et la disponibilité à l’écouter et il ajoutait que c’était là le fondement de toute culture véritable. On peut ici discuter la thèse et lui opposer d’autres approches, mais nul ne peut nier néanmoins cet aspect des choses. La densité d’un tel propos qui dura une bonne heure laissa l’assemblée songeuse. On ne voyait guère à la sortie de mines ironiques. Bien entendu, il y avait là des croyants et des incroyants, mais nul n’avait le sentiment que le Pape n’avait parlé à chacun. On se prenait alors à penser que dans ce monde affairé qui est le nôtre, une telle halte accordée à la pensée et au sens des choses par sa profondeur méditative donnait aussi un espoir au monde. Dire que ce discours avait troublé était peu dire, ce n’est pas tous les jours qu’on a le sentiment d’entendre un homme en accord avec une pensée qu’il porte et qui le dépasse. Qu’un tel homme renonce à sa charge temporelle et se voue à l’étude et à la prière à la fin de sa vie est aussi dans l’ordre des choses et l’avoir entendu parler ainsi de la retraite monastique, il y a quatre ans, permet aussi de comprendre sa décision. NB: Ce blog n’accepte pas les commentaires en raison de l’envahissement publicitaire qui se produit immédiatement mais on peut les poster sur (marc.belit.parvis.net)

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