CANNES 2013

((/public/.fif-2013_m.jpg|affiche cannes 2013||affiche cannes 2013, mai 2013))

CANNES 2013 Alors que convergent vers la croisette les professionnels, les acteurs, les télévisions, la foule des badauds et que le soleil se cache entre deux nuages sans déranger le baiser de cinéma que se donnent Paul Newman et sa femme, Joanne Woodward dans « A New Kind of Love », un film de 1963 que le 66° festival de Cannes a choisi comme affiche, la grande manifestation du cinéma mondial s’ouvre sous des cieux aussi chargés que ceux de la ville qui craint l’averse à tout moment. C’est que la période est à la fois passionnante – il n’y a jamais tant eu de films français à l’affiche de ce festival – et en même temps incertaine pour l’avenir du cinéma français. Il y a d’abord le fait que la production de films en France est pléthorique, plus de deux cents y sont produits par an sur un total de six cents qui sortent annuellement sur les écrans. En revanche, seulement une dizaine font des recettes suffisantes à couvrir leur coût ce qui ici, comme ailleurs, fait de notre industrie, un domaine subventionné ou en tout cas, pré financé qui ne génère que peu de bénéfices. Du coup, la récente négociation sur la convention collective applicable dans les milieux du cinéma a divisé les gros producteurs partisans de l’appliquer à tous les techniciens également, disposition qui a l’aval de la CGT, sur la base du principe : « à travail égal, salaire égal » et celle de ceux qui n’ayant en vue que des budgets moyens (moins de 5 millions d’euros) et des bénéfices aléatoires voudraient pouvoir moduler les coûts en fonction des possibilités financières des films. Le premier choix, comme on le voit aurait pour effet de diminuer de façon drastique le nombre de films produits en France et du coup de mettre au chômage nombre de professionnels et de nuire ainsi à la diversité de la création. C’est là, une fois de plus, l’équation française qui repose sur un modèle soutenu plus que libéral. Soutenu par qui ? Eh bien par le Centre national de la cinématographie, via son fonds de soutien, par les télévisions ayant obligation d’achat en amont des films. Sait-on que Canal+ par exemple finance plus de cent films par an, France télévisions et Arte, également, sait-on que nombre de Régions entrent aussi dans le financement des films français ( ainsi cette année à Cannes elles sont au capital de 26 longs métrages). Les recettes de guichet étant en fin de compte marginales. C’est tout cet ensemble qui fait l’exception française. Cette « exception » dite culturelle qui a été déjà l’objet de tant de polémiques en 1995 lors de la négociation sur les accords de libre échange entre la France et les Etats-Unis avait abouti au fait que ceux-ci ne s’appliqueraient pas sur les produits culturels et singulièrement au cinéma. Or, dès ce mois de Juin, la commission européenne a remis sur la table les accords de libre échange entre l’Europe et les Etats-Unis afin de créer un marché intérieur transatlantique plus dynamique qui permettrait de gagner quelques points de croissance. Mais pour cela, il faut que les États membres soient d’accord et la France, comme on s’en doute, ne l’est pas. Elle veut que le cinéma et l’audiovisuel soient exclus de cet accord, mais d’autres pays jugent que l’audiovisuel est précisément un des secteurs qui tireront la croissance et y sont plutôt favorables, d’où le nouveau débat à venir. Déjà les frères Dardenne ont pris la tête d’une croisade européenne pour que le cinéma européen, qui ne va pas trop bien, se défende en bloc et que la France ne soit pas isolée. On attend la décision sur ce sujet pour le 14 Juin. Ainsi, on le voit, le cinéma vit des heures difficiles. L’année 2012 a connu un léger retrait de sa fréquentation en raison du peu de grands films porteurs (comme on dit) à l’affiche. En revanche, la part des films français dans ce contexte est plutôt bonne à 48% du nombre du total des films présentés, le reste étant des films américains. Mais si cette part, bon an, mal an, oscille entre 40 et 48% dans notre pays, elle descend à 10 ou 20% pour les films nationaux des autres pays européens. On voit donc que les enjeux ne sont pas de même nature partout et que ce qui importe ce sont les recettes faites par des films nationaux ou pas. Le problème du cinéma étant que seuls une dizaine de films font 80% de la recette en drainant les publics, de préférence vers les multiplexes. Le reste est marginal même si c’est essentiel pour les cinéphiles car c’est là le domaine de l’Art et Essai et le plus souvent de l’art cinématographique tout court. Et pour couronner le tout, il y a maintenant ce « rapport Lescure » qui veut changer la « chronologie des medias », c’est-à-dire raccourcir le délai de passage du film en salle pour l’offrir au téléchargement et pour mieux « fluidifier » ce passage propose en plus d’abolir la loi Hadopi sur le piratage. Or en ne pénalisant plus le piratage (renvoyé à une décision du CSA), on précipitera d’une manière ou d’une autre le cinéma dans de nouvelles difficultés après celles qu’a connu la musique enregistrée. Et voilà pourquoi les milieux du cinéma sont moroses. Les seuls à garder le moral sont évidemment les leaders de l’Internet qui eux ont tout à gagner à piller un domaine, le cinéma, qui ne leur a rien coûté et leur rapporte tant. Et ainsi va la vie des industries de la culture dans le souci de protéger le monde ancien tout en faisant bonne figure au nouveau.

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