DIS PAPA, C’ÉTAIT COMMENT LE CINÉMA AVANT ?

Comme chaque année, les chiffres de fréquentation du cinéma viennent de tomber. Il s’établissent à un peu plus de 209 millions d’entrées en 2017, légèrement en retrait de l’année précédente (213 millions)mais le 3° chiffre de la décennie tout de même. On peut s’en féliciter, mais jusqu’à quand ?

Rappelons qu’à la veille de la deuxième guerre mondiale, le nombre de spectateurs en France était de 450 millions avec une population bien inférieure à aujourd’hui. L’apparition de la télévision chez soi dans les années soixante l’a fait passer à 200 millions puis à 100 millions en 1980 avec l’apparition des télévisions privées. On voit par là qu’il y a une corrélation entre cinéma et télévision qui joue toujours au détriment du premier. Comment s’en est-on sorti à l’époque pour relancer la fréquentation des cinémas, souvent en salles à un écran ? En inventant les multiplexes, c’est-à-dire en multipliant les écrans dans des salles à jauge réduite et en lançant un grand plan de développement du cinéma en milieu rural ainsi que par une politique soutenue de l’art et essai. C’est la raison pour laquelle, la France possède aujourd’hui un parc rénové de près de 5000 salles de cinéma qui offre un million de fauteuils au public. C’est comme cela qu’on a pu sauver aussi un cinéma national, le plus important en Europe derrière celui des Etats-Unis et qu’on a pu lui conserver environ 40% de spectateurs contre plus de 50% pour le cinéma américain alors que l’Italie ou l’Allemagne qui gardent encore une industries cinématographique n’en sauvent que respectivement 28% et 22%. Ceci a été facilité en France par ce qu’on appelle la « loi d’aide » qui permet de prélever sur chaque billet payé à un guichet de cinéma, (quelle que soit la nationalité des producteurs du film) une part qui est reversée à la chaine : production, distribution, exploitation du cinéma français. Les « Majors » américaines ont bien essayé de casser ce système pour établir leur monopole ; vieille bataille qui a commencé au lendemain de la deuxième guerre mondiale avec les accords Blum/Byrnes qui ouvrirent la France au marché Hollywoodien ; mais notre pays avait jusqu’ici résisté grâce à un mécanisme complexe de protection et de subvention qu’on a appelé : « l’exception culturelle », défendue par tous les ministres successifs de la culture. Or, une part importante des ressources du cinéma provient des chaines de télévision qui obtenaient leur concession privée en contrepartie du financement des films comme c’est le cas de Canal Plus par exemple. Le cinéma restait ainsi ce socle et cette réserve dans laquelle on irait puiser les films à passer sur les écrans télé. Or ceci est en train de changer et en salles pour le grand public et sur les télévisions. La série télé est en train de bouleverser la demande de fiction par son côté feuilleton et son articulation sociologique de plus en plus fine avec la vie des gens. Elle est devenue une forme culturelle de mieux en mieux adaptée à une demande non d’art mais de divertissement. Les producteurs de ce type financent aussi aujourd’hui des films « de cinéma » qui esquivant la projection en salle vont directement sur leur canal TV par abonnement. Les « Majors » américaines peuvent désormais produire et diffuser leurs productions sans passer par la redevance s’affranchissant ainsi de la réglementation française. C’est le phénomène « Netflix » en tout point comparable à Amazon pour le livre, qui même s’il produit de bons films et de bonnes séries, va bientôt occuper tout le marché grâce à son système de rentabilité directe. Et il sera suivi bientôt par « Google » et autres « Gafa ». C’est pourquoi l’on se demande avec une certaine anxiété si ces chiffres de fréquentation actuels du cinéma ne sont pas la crête au-dessous de laquelle, cet art qui est aussi une industrie, risque une fois encore de tomber, nous laissant à la nostalgie de « la dernière séance ». « Dis Papa, c’était comment le cinéma avant ? »

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