Nés entre 1980 et la fin du siècle dernier, ils ont grandi avec les nouvelles technologies qui n’ont plus guère de secrets pour eux, que ce soient les jeux vidéo ou les DVD ou le « streaming », ils s’expriment en « globish américain » ou en Anglais parfait et sont habitués à l’abondance qu’Internet peut offrir. Tout, tout de suite, tout le temps. Ils résident pour la plupart dans les pays occidentaux à haut niveau de vie, ils n’ont pas connu le monde avant le Sida, mais ils ont eu accès très jeunes aux films et vidéo érotiques. Ils ont appris l’amour non dans la Chartreuse de Parme mais dans les films porno et ont dû ensuite « s’essayer à l’autre » comme on dit.
Ce sont des « digital natives » qui ont eu, de fait, un ascendant immédiat sur leurs ainés et leurs parents, par leur maîtrise intuitive des nouveaux outils de communication. Ils sont sensibilisés au risque écologique et très soucieux de l’avenir de la planète. Ils ont appris à défiler très jeunes pour leurs idées avec une vitesse de réaction qui sidère. Le monde leur est d’abord apparu sous la forme d’un jeu et d’un danger (Starwars) dont ils possèdent, malgré tout, la norme et les codes de transgression. Ce sont nos enfants et nos petits enfants. Nous les côtoyons, nous les aimons, nous les éduquons parfois, mais nous ne pesons pas lourd, face aux millions de connexions instantanés au savoir, au dialogue, aux « news » et aux « fake News » qui courent sur la toile et sont à leur disposition. Un clic et le savoir d’un professeur, est anéanti par Wikipédia. Désormais l’enseignant ne se met plus face à l’élève, il s’assied à côté et commente, il n’apprend pas, la machine en sait plus que lui. Il « n’élève » plus l’élève, il l’accompagne. La nuit il rêve qu’il est devenu un algorithme.
Cette jeune génération s’exprime par des « tweets » et par des « like » qui caractérisent le langage de cet Empire du « post ». Avez-vous remarqué qu’il n’y a qu’une manière de s’exprimer sur« Facebook, » c’est le mode du « like ». Il faut « liker » en toutes circonstances et ceci a pour conséquence que les gens sont encouragés à présenter un portrait idéalisé d’eux-mêmes, plus beau (la photo), plus gentil, plus amical, plus cool, un monde de bisounours narcissiques qui s’aiment d’autant plus qu’ils pensent « bien » et qu’ils se sentent « likés ». Combien t’as eu de « like » aujourd’hui ma chérie ? Il n’y a plus de solitude puisque nous avons gagné un amour virtuel infini, même si nous tapotons notre clavier seul devant un morceau de fromage et un verre à moitié vide. Plus de solitude, plus d’ennui, la fenêtre sur le monde est toujours ouverte et nous pouvons lancer des « Help » ou des « Hello » à la cantonade., il y aura toujours quelqu’un, quelque part, un autre solitaire pour répondre dans cet océan d’indifférence que nous nommons, l’humanité.
Mais ne vous avisez pas d’être méchant, contrariant, négatif dans vos opinions, pas même un peu maladroit dans vos expressions, vous serez vite exclu de la circulation. Pire, parfois châtié, dénoncé, humilié avec une force et une véhémence qu’aucun gosier ne pourrait proférer longtemps. En général, la réaction est fulgurante : « il, ou elle, a dit ça, sur les réseaux sociaux » et immédiatement ça s’enflamme. On a décompté, mille, cent mille, un million de « tweets » (tout dépend de la notoriété de celui ou celle qui transgresse). Nous sommes toujours en état d’alerte. Toujours quelqu’un veille à ce qu’on traverse dans les clous, il y a tant d’individus à protéger, de communautés à ne pas offenser, de minorités à ne pas stigmatiser, d’animaux à ne pas châtier, de végétaux à ne pas manger, bref, soyons souriants, cool, et conformes au modèle, sinon gare, nous serons cloués au pilori médiatique puis devant les tribunaux selon l’importance du délit ou de l’offense. Ce monde impitoyable de la communication généralisée est aussi celui de la surveillance généralisée ; « Big Brother », il y a longtemps qu’on connaît son nom.
Il nous faudra donc être « inclusifs », nous conformer au nombre, avoir les mœurs du troupeau bêlant son autosatisfaction en chœur, en texte et en image. Nos « milléniaux » s’en arrangent, nous qui sommes nés avant, plus difficilement, c’est toute la différence. Car, voici venu l’époque du nouveau conformisme. N’est-elle pas belle l’idéologie des nouveaux temps électroniques ?