Les soucis ordinaires : éphéméride estival.

L’été invite à la paresse ; on n’écrit plus, on note, la pensée erre ou divague, l’information l’atteint un peu puis s’efface, c’est ainsi que se forment des pensées légères où se mêlent des traces de lecture. Le tout est d’avoir la force de les noter quand elles passent, sinon elles sont perdues. 

Voici ce qui reste du tamis de mes jours si semblables à ceux des autres.

J’ai relu récemment ceci dans les confessions de Saint-Augustin : « je veux me rappeler de m’être souvenu ». Quelle autre façon de faire que d’écrire tant qu’on vous lit encore !

Festivals : Le bonheur que me donne l’écoute de l’opéra n’est jamais si parfait que lorsqu’on entend derrière les voix le crissement des ailes de cigale venir se glisser entre les notes. On sait alors qu’on est en Provence.

Du reste, un été sans champs de tournesols dans le paysage au tournant d’une route, pour moi, ne serait pas tout à fait un été.

Considérations atmosphériques : « Canicule » : temps de chien.

Il est des matins d’été après la pluie, où l’on se dit : ah on respire enfin.

Cette année, il me semble que les moustiques ont encore gagné du terrain. Bientôt nous ne pourrons plus sortir qu’armés d’insecticides. Après le masque des dernières pandémies, l’écran contre les nuisibles. Le monde devient irrespirable !

Jamais contents : 

On a attendu le soleil à bord des plages, pendant des semaines en juillet, et lorsqu’il est enfin venu férocement en août, il a fait fuir tout le monde.

On a tout aussi désespérément attendu la pluie, lorsqu’elle est venue à son tour et s’est installée, elle a fait fuir ceux qui étaient restés.

Trop de monde sur les plages, trop de monde sur l’Acropole, trop de monde partout, les indigènes qui voulaient des touristes pour leur balance des paiements, n’en veulent plus, ils suffoquent, c’est une immigration en sens inverse ! On veut les sous, pas ceux qui les apportent.

Avait-on aussi chaud du temps où l’on ne mesurait pas les températures ? Mais voyez comme l’humeur publique suit la courbe de celles-ci. Un coup de froid, les pluies diluviennes et en un jour tout change : l’été tropical devient un été pourri. C’est le moment que choisissent les partis politiques pour tenir leurs « universités d’été ». Le mot université dans ce cas m’a toujours paru un peu surévalué.

Cet été, j’ai lu le dernier livre de Pierre Michon (les deux Beune) S’il y a aujourd’hui un véritable écrivain en France… il est l’un de ceux-là. J’ai noté ceci dans ce livre : « l’accouplement est un cérémonial ; s’il ne l’est pas, c’est un travail de chien ». Les mots génèrent l’image, l’image donne à penser.

Tiens, après la chevauchée des Walkyries, il semble qu’on assiste avec Wagner au crépuscule des dieux… Il en reste encore qui se prennent pour tels !

Je voulais voir le film « Barbie » pour mesurer ce qu’il en est de la culture de masse et mieux comprendre comment on pollue l’imaginaire des gens. Résultat : aussi addictif et toxique que le sucre pour les diabétiques ! Netflix en pire !

Que de morts cet été : un poète écossais qui promena ses semelles de vent à Pau prit congé comme d’autres s’en vont au cœur de l’été, sans faire de bruit. Cela commence à faire du monde cette année !

Exit Philippe Sollers, Milan Kundera, Alain Touraine, exit : Jane Birkin, Tina Turner, Glenda Jackson, Gina Lolobridgida… le monde soudain paraît plus vide – effet générationnel sans doute – lorsque j’étais plus jeune, la mort des plus considérables ne m’affectait guère, ils ne comptaient pas encore assez pour moi. Depuis je les ai lus ou entendus ou vus au cinéma, et je me rends compte qu’ils ont ponctué nos vies au rythme de leurs apparitions ou de leurs publications. Une vie se tisse en nous de mille fils qui forment le tissu de nos pensées, quand le voile se déchire nous nous sentons un peu plus nus .

J’ai lu le dernier livre de Pascal Quignard : « les heures heureuses » ! Ça tombe bien !

Un dirigeant espagnol a glissé de son piédestal pour avoir confondu une remise de décoration avec le film de François Truffaut « Baisers volés ». Il va falloir proscrire ou circonscrire  « l’abrazo » et le « pico » espagnol, ce penchant trop expansif !

J’ai lu aussi ceci de Michel Deguy : « le monde ressemble de moins en moins à ce que je préfère ». Envie de dire : je suis de cet avis.

Ou ceci encore : « les Français, ce peuple secoué par l’histoire ».

Cet été on a jeté des pierres contre notre ambassade à Niamey au Niger. Partout en Afrique noire francophone on conspue les Français. Quel désastre et quelle ingratitude ! Nous ne faisons plus ni peur ni envie au fil de politiques erratiques toujours pleines de bonne volonté et manquant de réalisme que nous avons menées.

Fin de l’été, l’enfant en nous dit : déjà ! La rentrée s’annonce en suivant : l’enfant dit encore : déjà ! Les parents bien souvent disent : pas trop tôt !

Pour la rentrée on annonce un ènieme décret sur le voile islamique (l’Abaya cette fois) et en voilà assez pour que la meute médiatique se jette sur le sujet et néglige l’essentiel : à quoi sert l’école ? Communiquer est une question de tempo, il vaut mieux ne pas tout dire en même temps.

L’été fini m’éloigne de l‘océan. De toute façon, moi je suis un terrien, la mer, ce grand labour des profondeurs en mouvement ne m’appelle ni ne me retient longtemps ; elle me séduit mais elle me lasse assez vite.

Allons, rentrons, il faut en revenir aux soucis ordinaires.

Partager

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *