CRÉDITS ET DISCRÉDIT

Notre attention avait été attirée, il y a quelques semaines par un article du Syndéac (le syndicat des entreprise de spectacle) inquiet des baisses de crédits de la culture. A y regarder de plus près, on pouvait s’aviser que le Syndéac n’y était plus associé à la CGT comme cela avait été le cas ces dernières années où il publiait des tribunes martiales contre le gouvernement de l’époque, mais cette fois, il était associé à une poignée de syndicats professionnels qu’on n’entend que rarement.

Mais quel discours entortillé et embarrassé. Comment dénoncer maintenant ce qu’on a appelé de ses vœux ? Comment concilier la nécessaire rigueur des temps et la légitime défense de ses intérêts ? Alors on a eu droit à un type d’argument d’une casuistique rare, du genre : le gouvernement précédent menaçait de couper 6% de crédits, finalement ce sera moins, ce n’est donc pas si mal ! Il faut bien faire bonne figure, mais comment tenir la pose avec le soleil dans les yeux ? Car c’est l’évidence : la gauche ( dont il y a un an on attendait le doublement du budget de la culture promis par Martine Aubry en Avignon), baisse les crédits de la culture comme jamais et il faut faire avec. Pour la cohérence, on verra plus tard ! Les chiffres attendus sont tombés dans l’indifférence d’un vote au Parlement qui a établi la baisse pour 2013 à moins 4,3% en principe et sous la menace d’un collectif budgétaire qui pourra toujours intervenir pour l’aggraver. L’affaire est très simple à comprendre : la culture n’est pas une priorité de ce gouvernement et du coup n’est plus une priorité pour la gauche de gouvernement. C’est sans doute réaliste, mais cela renverse l’ordre des raisons invoqué à gauche jusque-là. Derrière cette évidence et ce séisme, apparaît une évidence, le discours culturel de la gauche (et aussi de la droite lorsqu’elle en a un) se trouve brutalement décalé voire disqualifié. L’important n’est plus là où l’on croyait. Le centre de gravité de la culture de masse s’est déplacé, il a muté et ce n’est plus ni l’État, ni les collectivités qui en tiennent les rênes, mais l’industrie de la culture et des loisirs. Les industries culturelles sont le sujet et sont la préoccupation. Le reste, les politiques publiques, les mécanismes si compliquées et si sophistiqués existant en France ressemblent à des soins palliatifs : il faut bien entretenir l’existant, encourager ce qui marche, alimenter les institutions. La culture est devenue une affaire d’administration de la culture et là, le système Français, sait faire. L’ennui, c’est qu’il tourne un peu à vide. L’État, délesté de crédits et de responsabilités, n’a plus guère les moyens de ses préconisations et n’est plus obsédé que de réductions et d’économies d’échelle. Mais son modèle ancien d’approche culturelle n’a pas changé et il s’en trouve donc handicapé. Ses interlocuteurs n’ont pas été préparés à cette échéance, au contraire, ils attendaient tout de la gauche et sont saisis par ce qu’ils voient. Le discrédit des politiques publiques commence à se ressentir mais aucune alternative ne s’esquisse. Il faudra du temps pour se remettre de la secousse.

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