CET ÉTÉ-LÀ

Cet été-là, il fit très chaud, les canicules (ce temps de chien) se succédèrent inexorablement suivies de pluies diluviennes, la guerre en Ukraine entra dans son sixième mois avec dans son sillage des commentateurs avisés et d’autres beaucoup moins. De belles « amazones » de ce pays, menèrent à l’écran la guerre de l’information contre l’ours Russe sorti de sa tanière en quête de miel.

Cet été-là on vit une nouvelle carte du monde se dessiner dans laquelle les pays démocratiques parurent plus petits que jamais dans un océan de dictatures, d’indifférence et de cynisme.

Cet été-là, alors que le grain des céréales consommées par la moitié du monde menaçait de moisir dans les silos bloqués par le conflit Russo-Ukrainien, on réussit à faire sortir les premiers bateaux des ports en guerre sur la mer noire.

Cet été-là, la crise de l’énergie devint un souci mondial et l’exigence écologique parut un choix de plus en plus difficile. Le nucléaire redevint une option à rebours de décennies de luttes pour sa disparition. La menace directe de la guerre en cours sur la plus grande centrale d’Europe laissa planer le risque d’un nouveau Tchernobyl.

Cet été-là, malgré tout,  la guerre sembla faire une pause du côté du Donbass.

Cet été-là, on reparla de Wagner. Ceux qui sont cinéphiles ou ont de la mémoire, se souviennent peut-être, que les hélicoptères semant la mort et le feu au Vietnam durant la guerre piquaient vers leurs cibles au son de la musique de Wagner dans Apocalypse-Now. Ce même Wagner, mort au XIX° siècle rappelons-le, donne aujourd’hui son nom à une soldatesque criminelle. Et l’on dit toujours que la musique adoucit les mœurs.

Cet été-là, les Chinois et les Américains firent rouler leurs muscles cuirassés dans le détroit de Taïwan comme aux plus beaux temps de la guerre froide.

Cet été-là, la forêt française flamba comme jamais, des milliers d’hectares de pins crépitèrent sous un soleil de feu, au sol et dans les airs provoquant des exodes de population sous l’œil inexorable de la fatalité et la tentation criminelle des pyromanes.

Cet été-là, on apprit que les cigales ne chantaient plus dans les arbres en Provence en raison de la chaleur qui les paralysait.

Cet été-là, les rodéos de jeunes gens à moto causèrent des accidents mortels dont on parla davantage que des accidents de la route.

Cet été-là aux États-Unis, un jeune homme qui n’était pas né au moment des faits, tenta d’assassiner un écrivain pour une fatwa émise au siècle dernier dans un pays où il n’était jamais allé.

Cet été-là, les festivals connurent une fréquentation qu’ils n’avaient plus connue depuis la grande pandémie et le monde de la culture se mit à nouveau à espérer. Dans les villes les cinémas climatisés virent s’accroitre le nombre de leurs spectateurs sans savoir si une fois la bise revenue ils les garderaient ou non dans leurs salles.

Cet été-là, le moustique tigre fit des ravages dans les jardins contraignant les habitants à se calfeutrer au frais loin des piqures urticantes. 

Cet été-là, on s’arracha les cheveux rue de Grenelle pour trouver les 4000 profs qui manquaient pour la rentrée, et l‘on songea comme pour les médecins en temps de pandémie, à rappeler les retraités et les recalés des concours.

Cet été-là, l’inflation poursuivit ses ravages à bas bruit comme un feu qui couve sous la tourbe et qu’il faudrait bien éteindre ou cantonner avant qu’il ne soit trop tard.

À la fin de cet été-là, on reparla d’universités à propos de partis politiques, pour lesquels la question du savoir désintéressé et de l’opinion réfléchie était le dernier des soucis, mais celui de la mise en ordre de bataille et de l’affrontement dans l’arène politique, le véritable enjeu. 

Cet été-là, l’armée française replia son drapeau au Mali, sans un remerciement pour son engagement, ni un mot pour ses morts, et l’on entendit une fois de plus ces mots : à quoi bon !

Cet été-là, un président opiniâtre revint en Algérie pour une énième séance de réconciliation et de vérité sans qu’on sache ce qu’il en adviendra une fois encore.

Cet été-là, disparut celui qui avait mis fin au régime soviétique sans se rendre compte qu’il allait donner renaissance au régime des Tsars tyranniques et féroces de la vieille Russie.

Cet été-là, on attendit la rentrée littéraire comme chaque année, et cette fois on nous annonça la sortie du dernier livre de Virginie Despentes : « Cher Connard ». Décidément il est des femmes qui ont le sens du compliment dépréciatif de genre. « Cher connard » ; on retiendra quand même la note affectueuse qui accompagne ce jugement définitif.

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