CÉRÉMONIE DES MOLIÈRES


Vu la cérémonie des « Molières » à la télévision, ou : « comment parler d’un genre, d’un art qui paraît si loin aujourd’hui du divertissement public ? » Réponse : En faisant plus vulgaire et démago que le divertissement télévisuel ordinaire lui-même. Pour cela, on prend un comique de café-théâtre qui porte un nom reconnu et n’est pas néanmoins sans talent, le fils Bedos, du reste dans ce domaine, il n’y a désormais que des « fils de… » partout, et voilà l’affaire. Ce qui en sort est à la mesure de ce qui y entre. Il s’agit de faire court, drôle et de ne pas perdre trop de téléspectateurs en environ deux heures d’émission tardive sur une chaine du service public. Alors, on a droit à tout, un type à poil qui vient dire un texte sur la misère des auteurs et celle des intermittents, bon ! Des remettants et des nominés faisant assaut de vulgarité, une jolie jeune femme nous prenant à témoin que son producteur a de belles couilles (sic), bien ballantes et concluant son propos d’un « putain ! » retentissant comme dans une salle de conscrits au conseil de révision, et tout à l’avenant. On regarde, on se frotte les yeux : est-ce cela les acteurs de théâtre aujourd’hui ? Ces jolies filles fagotées à la six quatre deux, ces garçons barbus, dépeignés portant des pantalons à mi mollets comme on les voit sur les magazines de mode chez le dentiste. Sont-ce là les acteurs de Tchekhov, de Racine, de Shakespeare ? Et puis on a la réponse : c’est la fête, nous dit l’animateur, du théâtre privé et du théâtre public, d’ailleurs, il n’y a plus de différence ! Ah, la voilà la belle affaire, c’était donc ça qu’il y avait à comprendre : il n’y a plus de différence ! Le théâtre de boulevard, c’est la même chose que le théâtre de Brecht et Pouchkine vaut une paire de bottes comme on disait dans le temps ! La démonstration en est faite ! Du reste à l’issue de l’émission que j’ai regardée jusqu’au bout, j’étais incapable de me souvenir qui avait eu le prix de l’un et le prix de l’autre. Tous dans le même sac, l’émission avait atteint son but. Elle n’était ni plus ni moins intéressante qu’une émission de divertissement où l’on voit des vedettes ou supposées telles dire des gros mots devant une ministre embarrassée, une assistance convenue et quelques officiels réfrigérés. En revanche, l’animateur, lui a mouillé sa chemise et au passage, écrivant les textes regonflé son égo par un tour de passe-passe astucieux qui consistait à faire prendre du café théâtre pour du théâtre et des vessies pour des lanternes. Comment appelle-t-on ça : un ersatz? À moins qu’on ne se soit pas encore rendu compte que le café avait refroidi. Mais non, on se frotte les yeux, on reprend le chemin des salles de théâtre, on se souvient de ce qu’on a vu et on se dit que décidément, l’art et la télé, ça fait deux !

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