FIN D’ÉTÉ

Il fallait bien que ça arrive, l’été finit. Oh pas encore tout à fait, il va s’écouler encore quelques jours jusqu’à ce 22 septembre dont Brassens a fait une chanson de fin d’amour. Le 22 septembre, c’est le début de l’automne et donc la fin de l’été. Du reste, je n’aime pas les étés qui durent. Il m’est arrivé de vivre dans des pays chauds et ce que je regrettais le plus, c’est le passage des saisons. Enfin, bon, il nous reste une semaine pour passer en automne. Espérons que nous n’aurons pas là encore de puissants motifs de désagréments.

Déjà le climat politique se couvre de nuages noirs, les trahisons succèdent aux inféodations, les calculs l’emportent sur les grands élans, mais ça nous avons l’habitude. Malgré tout, nous gardons une âme d’enfant et nous croyons toujours plus ou moins aux histoires qu’on nous raconte et des conteurs par les temps qui courent, il n’en manque pas. Mais revenons à l’été. Le plus drôle a été l’énervement qui a parcouru le pays au motif d’un accoutrement qu’en un autre temps on aurait trouvé simplement ridicule mais qui là, sembla menacer tout le monde : le burkini. Déjà le nom devrait faire rire car c’est un oxymore qui allie le plus extrême dénudement avec le plus extrême enfermement. On fit des décrets que le Conseil d’État invalida, on se promit d’en faire une loi, mais on finira par l’oublier pour peu qu’il ne soit plus de circonstance en attendant l’été suivant. Derrière tout ça se cachent les symptômes de notre malaise. Dans notre pays mélangé ; nous nous ressemblons de moins en moins voilà l’histoire de notre peuple. Voulons-nous toujours vivre ensemble ? C’est là la question à laquelle on répond un peu vite. Ce qu’on a longtemps appelé des minorités invisibles sont devenues visibles et davantage, elles s’affirment comme des communautés dont le militantisme religieux mené par leurs zélotes choque nos habitudes et nos mœurs. Certaines femmes s’en émeuvent, celles qui voient bien que bientôt, selon son origine ou sa confession, on ne pourra plus marcher « en cheveux » dans la rue, s’asseoir à la terrasse d’un café, parler avec un homme, bref, elles voient et savent la relégation qui frappe leurs semblables dans nombre de pays musulmans et n’en veulent pas. Mais d’autres, toutes à leur « visibilité » nouvelle de femmes voilées sont heureuses d’affirmer leur identité, heureuses d’exister davantage par la provocation qu’elles font et il arrive souvent que croisant dans la rue des yeux sans visage on y lise le plaisir subtil d’être « regardée plus qu’avant ». Les choses sont complexes tant elles mêlent le religieux, le sociologique, le relationnel et même le désir. Cependant ces mœurs qui s’installent en force dans un corps social qui en gros les réprouve mais dont tout le système juridique et axiologique les autorise au nom de la liberté de se vêtir comme on veut, marque la limite de la flexibilité et de la tolérance. Certains veulent faire des lois pour contraindre tout un chacun à vivre selon la coutume française. Ce sera difficile, tant nos lois sont orientées à l’inverse et qu’au nom de la défense de la liberté on peut aussi défendre la différence coutumière. Mais comme dit Montesquieu : « un peuple connaît, aime et défend toujours plus ses mœurs que ses lois. » La France n’ayant pas une tradition anglo-saxonne qui tolère les différences mais préserve son identité croit toujours que le République pourra fondre les volontés particulières dans l’expression de la volonté générale. Le cas d’école qui se présente aujourd’hui avec l’Islam militant et ses manifestations notamment vestimentaires n’est pas le plus simple à résoudre. Le fait est que nous avons de plus en plus de mal à vivre ensemble. Notre société étant de plus en plus diverse, de plus en plus mélangée et notre modèle politique est resté inchangé dans ses principes, ses valeurs et ses représentations. République, laïcité, morale, mœurs, tout cela s’était sédimenté avec le temps. Et puis les contractions de l’histoire, la nature des choses qui changent, les attentes des gens, les difficultés à vivre, les modèles économiques qui ont du mal à s’adapter à la mondialisation font que cette inadaptation au monde produit une montée de fièvre dans notre société devenue peu à peu multiculturelle, davantage dans les grandes villes que dans les petites, mais partout de manière plus visible. Certains ne le veulent pas, comme s’il était en leur pouvoir de changer de peuple, d’autres voudraient s’en protéger, d’autres enfin voudraient nous faire passer du modèle républicain à un modèle anglo-saxon centré sur l’individu et ses droits davantage que sur sa communauté qui ne se conjuguerait dès lors qu’au pluriel. Pas facile. Et c’est dans ce contexte que s’engage un débat national pour l’élection présidentielle. Pas de nature à favoriser la nuance et la modération.

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