Il est des jours où l’actualité est tellement « virale » qu’il est impossible de parler d’autre chose que de ces microparticules infectieuses qui nous assaillent à la fois dans les corps et dans les têtes produisant cette obsession justifiée qui ravive les grandes peurs des épidémies passées.
Comment sortir de ces obsessions mortifères ?
Voici une suggestion qui doit aux circonstances du calendrier. La semaine prochaine en effet (du 7 au 23 mars) se déroule en France et au Québec, le 22° Printemps des poètes. Il a pour thème cette année : « le courage » et pour illustration une phrase du Cid de Corneille : « espère en ton courage, espère en ma promesse ». C’est le Roi d’Espagne qui dit cela à Rodrigue dont il attend que les hauts faits de la « Reconquista » lui vaudront enfin la main de celle dont tua le père en un duel d’honneur.
Bien loin tout ça, me direz-vous. Certes, mais tout proche de nos enfants s’ils sont au collège et s’ils étudient toujours Corneille. Il faut le croire ou l’espérer, tant cette référence fait partie du bagage commun de la mémoire scolaire de la plupart d’entre nous. Le courage donc, en ces temps de crainte et de doute. Pourquoi pas, et puisqu’il faut toujours un thème aux évènements culturels, après l’ardeur, puis la Beauté l’an passé, voici le courage, qui s’invite à nos méditations et à nos rassemblements.
Le courage, le mot vient de « cœur » au sens de l’organe noble et de sa métaphore qui fait vertu de la fermeté d’âme et de la force de caractère laquelle permet de résister aux difficultés de l’existence et d’assumer une vie d’homme ou de femme vraiment humaine.
Pour illustrer la chose, le lancement de cette édition se fera au Bataclan, ce lieu d’un massacre récent, ignoble et triste et c’est l’actrice Sandrine Bonnaire qui en sera la vedette.
Le courage de la poésie c’est aussi l’audace de s’occuper de choses qui peuvent paraître futiles lorsque nous côtoyons des drames ou des situations de ce genre. Eh quoi, vous vous occupez de poésie devant le désastre de ces temps, disait un personnage de théâtre ! Eh bien oui, malgré tout, car la poésie est peut-être la chose la plus sérieuse qui soit puisqu’elle met en mots définitifs l’éphémère existence des hommes sur terre. Le poète Allemand Hölderlin écrivait ceci qui peut toujours être médité : « c’est plein de mérites que l’homme habite cette terre, mais ce qui demeure, seuls les poètes le fondent ».
La poésie est fondatrice en ce sens qu’elle dit l’être des choses du monde, et elle le dit en un langage et dans une forme chaque fois différents, chaque fois inédits qui toujours surprennent et donnent à penser à leur tour. C’est ce qui en fait le charme et la profondeur.
Le charme est celui de la forme, autant dire celui du style et les plus grands de nos poètes s’y sont affrontés. Tenez pour rester près de chez nous, voici une Contrerime fort connue de Paul-Jean Toulet dont on fête cette année le centenaire de la mort que tout collégien ou écolier Béarnais ( mais les autres aussi) devrait savoir par cœur :
« Dans Arle où sont les Alyscamps /Quand l’ombre est rouge sous les roses/ Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses/lorsque tu sens battre sans cause/ ton cœur trop lourd/
Et que se taisent les colombes/Parle tout bas, si c’est d’amour/ au bord des tombes. »
Faut-il du courage pour « oser » la poésie dans un monde du « Tweet » et du verlan lorsqu’on a dix-sept ans et qu’on n’est pas sérieux comme disait Rimbaud ? Sans doute un peu, mais pas tant que ça, car après tout, un quatrain est comme un « Tweet » une forme brève qui va à l’essentiel (4 vers d’un côté/ 280 signes de l’autre ; on a changé d’époque). Seule sa forme et l’exigence de celle-ci change.
Alors voici une idée, un challenge, un pari et aussi un espoir : que tout garçon ou toute fille qui sent en ce début de printemps monter dans son cœur un élan d’amour se confie en cette forme brève en cherchant la perfection de l’expression. Qui sait, si ce ne sera pas là la forme simple d’un peu de courage de ne pas avoir honte d’être un peu poète. Tiens, voici une suggestion qui est du poète Rilke. Voila comment il décrit une rose : « Rose, o pure contradiction ; volupté de n’être le sommeil de personne sous tant de paupières ». Pas besoin d’expliquer cela, si on est un peu sensible à la poésie on en sent déjà le parfum !