LES PONTS DU MOIS DE MAI

Il y a encore des nuages de pluie sur les longs week-end du mois de mai qui sont la respiration du monde du travail. Les plus malins les étirent comme un élastique au point d’en faire presque des semaines entières de vacances. C’est dire l’addiction des Français aux congés payés et ce depuis le Front populaire. L’affaire de l’âge de la retraite vient de là : atteindre le temps libre, le supposée temps de vivre, qui lorsqu’il vient fait regretter le temps du travail, parce qu’on était jeune, parce qu’on était beau et plein de projets.

Arrivés au terme, quelques croisières de masse et voyages organisés plus tard ces joyeusetés finissent par lasser et on préfère les roses de son jardin (si on en a un) et le plaisir de lire (si l’on n’est pas déjà aliéné aux plates-formes des vidéos en ligne).

Reste l’impératif du présent : on va prendre la route des vacances. Comme il y a bien longtemps le chantèrent des chanteurs oubliés comme Robert Lamoureux (papa maman la bonne et moi) ou comme Charles Trenet (nationale sept). Ceci pour mémoire au plutôt  pour archive car ces rengaines ne sont plus dans l’oreille de personne. On a plutôt les balades américaine des routes trip de la chanson folk. (on the road again)…

À Paris aussi au siècle dernier on prenait la route pour aller à Meudon ou sur les bords de la Marne, dans le Sud-ouest on allait sur la côte,, et du côté de Marseille on allait aux calanques voir son cabanon. Le tropisme maritime allait bon train mais enfin quand on parle de train c’est plutôt la voiture qui avait pris la suite, la voiture chargée d’enfants de valises de paquets, et l’autoroute avec ses engorgement ses blocages qui sont si bien représentés par le film « week-end » de Jean-Luc Godard dans les années 70. 

Et puis cela devint une habitude comme on sait, la voiture fut à la fois l’indispensable outil de travail et le nécessaire moyen du week-end à la campagne ou ailleurs. Qu’on augmente le prix de l’essence et on eut de ces révoltes dont la France est coutumière ; alors ce furent les ronds-points qu’on assiégea. À y bien réfléchir pourtant, le rond-point est le destin de la route qui amène à tourner en rond autour d’un point fixe d’un diamètre plus ou moins large selon nos ambitions nos désirs ou les circonstances qui nous font voyager.

On voit par-là combien la route nous est chère. Notre liberté à tout prendre consiste à se mettre en route, comme l’avaient bien compris les militants d’un parti politique qui s’étaient voulus « en marche », – ils ont modifié depuis leur intitulé sauf erreur en devenant « renaissance », – c’est sans doute plus ambitieux mais moins dynamique car la marche est l’autre façon de se mettre en route. Nos médecins le recommandent : marchez ! marchez ! Et pour peu que vous suiviez l’injonction vous découvriez qu’on marche partout et le plus souvent sur vos pieds. Il n’y a pas un itinéraire, un site même élevé, où vous ne trouviez des marcheurs qui se sont levés avant vous et vous toisent de la hauteur qu’ils ont atteinte les premiers ; même le chemin de Compostelle qui n’est pas le plus facile, est encombré ; c’est dire. On n’échappe pas à notre monde ! Le point élevé, voilà le but de la vie et celui des loisirs, on a l’un ou l’autre et parfois aucun des deux, raison de plus pour être sage et regarder pousser les fleurs de son jardin qui en mai sont une splendeur. 

Pourtant nous n’avons qu’une idée en tête : prendre la route comme si la vie consistait à aller d’un point à un autre dans les meilleures conditions possibles. Tenez en ce moment beaucoup de monde chemine vers les plages ou la montagne et souvent avec une  précipitation qui a fait dire à un humoriste : « l’homme ne meurt pas, il se tue » et pas seulement sur la route, car le temps libre est le temps sans contrainte où l’on abandonne toute prudence élémentaire, où l’on se veut marin en dix leçons, alpiniste en trois courses. Notez bien que je n’ai rien contre le voyage au contraire mais une chose m’a toujours frappé en ces mois de Mai français, c’est ce moment où notre peuple se secoue de toutes les manières, où il change de Président, où il fait la Révolution, où il se rue sur les routes ; c’est un mouvement, une crue irrésistible au propre comme au figuré et c’est sans doute pour ça qu’on y a construit tant de ponts. En juin, en général tout rentre dans l’ordre, diable, il faut préparer les vacances d’été avant de se lancer sur la route heureuse des promesses qui tiennent quelques mois, jusqu’à la rentrée qu’on annonce toujours brûlante, autre façon d’entretenir la canicule qui immanquablement va gâcher les vacances !

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