LA RÉPUBLIQUE N’EFFACERA AUCUNE TRACE…

Chacun dans son rôle : nous avons enfin entendu le président de la république déclarer que : « la République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire et ne déboulonnera pas de statues ». Enfin une parole sensée se dit-on, et qui vient à son heure. N’avait-on pas vu déjà, cédant à un emballement très franco-français, des personnalités médiatiques, politiques, et même un ancien Premier ministre appeler au déboulonnage des statues et faire de l’anticolonialisme, à rebours des priorités du moment, un combat national d’arrière saison. On lit dans « Le monde » un appel solennel au Président de la république à débaptiser le salon Colbert de l’assemblée nationale. On voit bien que s’il n’avait été mis un arrêt tout aussi solennel à cet emballement, où tout cela aurait pu nous entraîner : clairement à une de ces batailles symboliques cachant leurs véritables intérêts et qui sont la solution imaginaire des problèmes réels !

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UN FAUTEUIL SUR TROIS !

D’abord la bonne nouvelle : on rouvre les salles de spectacle ! Ensuite la mauvaise : oui mais un fauteuil sur trois et un masque sur le visage. Diable ! On ne va plus savoir si Arlequin est sur la scène ou dans la salle !

Mais gardons la bonne nouvelle : on rouvre ! On sait déjà malgré tout qu’en maints endroits (non subventionnés ou peu) l’équilibre des recettes et des dépenses ne sera pas atteint, et que cela ne pourra durer longtemps comme ça, mais tout le monde a envie de rouvrir, de voir du monde dans les salles, de retrouver…le public.

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guy BEDOS, mort d’un humoriste

Il a foulé les planches du Parvis à de nombreuses reprises et le public de la scène nationale le connaissait bien, mais l’équipe du théâtre l’appréciait comme un ami, un camarade de la scène et cet hommage souvenir en témoigne:

bord de scène au Parvis en 1980

Il faut parler de Guy Bedos. Voilà un personnage qui est venu souvent au parvis et ce dès les années 75. Guy Bedos était alors dans la pleine maturité et avait trouvé son personnage de râleur sympathique. Son entrée en scène à la façon d’un boxeur était caractéristique. Il fonçait d’abord, puis tournait comme un lion en cage  balançant des formules propres à faire mouche à chaque fois. Il fallait le voir conserver son attitude de boxeur à demi courbé comme pour donner et recevoir des coups. Le plus étonnant donc était aussi d’observer ses mimiques toujours entre la déclaration fracassante qui venait de franchir ses lèvres et le sourire qui venait immédiatement l’effacer figeant son visage dans une sorte de masque de clown, yeux plissés de malice, bouche ronde, air étonné du gosse mal élevé qui vient de lâcher un gros mot ou un pet et qui demande à ne pas être grondé. Mais ce clown provocateur savait toucher juste, et son sourire en fin de compte adoucissait simplement son trait d’un air convenu.

 

Guy Bedos montrait là une de sensibilité à fleur de peau, confrontée à des situations sociales dont on sentait bien qu’elle l’avaient blessé, atteint, et qu’elle s’exprimaient tout autant en défense qu’en attaque.

Parmi celles-ci il y avait évidemment sa réaction d’humour et son trait incisif contre la bêtise, le racisme qu’il avait connu en Algérie où il avait vécu toute son adolescence, mais plus profondément, il y avait une blessure secrète qui apparaissait de plus en plus nettement spectacle après spectacle, celle de ses rapports difficiles avec sa mère. Sa mère objet d’admiration, de rejet, d’exécration et d’amour tout ensemble. Tant de sentiments ressentis de façon si complexe, si contradictoire, qu’il fallait, pour les exprimer, toute la subtilité de ce dialogue ininterrompu entre cris, reproches, disputes, ironie, phrases blessantes qui font le quotidien de couples impossibles. Et c’est dans ce rapport là dans cette mise en scène là de ces blessures les plus profondes, que l’humoriste était le plus touchant.

 

L’autre aspect concerne son positionnement ou sa posture politique « À gauche toute », jusqu’à la caricature, mais la caricature est précisément l’art de l’humoriste, on lui pardonnait ainsi, d’autant plus, ses parti pris, que le public était venu pour cela et en redemandait. C’était un vrai plaisir de le voir brocarder les hommes politiques de droite de préférence mais aussi de gauche, parfois avec cet art de l’anecdote et de la phrase assassine qui fait tout son talent. La revue de presse qui terminait ainsi régulièrement son spectacle prenait de plus en plus de place dans son spectacle et justifiait à elle seule la faveur dont il jouissait auprès du public.

 

Mais je parlerai d’un Guy Bedos plus direct, descendu de scène et bavardant dans les loges ou au bord de scène. Le souvenir du comédien démaquillé, descendant de sa loge en Jean et s’asseyant avec l’équipe du plateau où avait eu lieu le spectacle, écoutant, intervenant sans se hausser du col, rigolant aussi, bon copain en somme, très proche des gens, vachard dans ses remarques aussi bien mais brave gars et amical tout autant. On avait, avec lui, l’impression de faire partie du même monde, celui de la scène entre ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, tout ce monde qui s’agite en coulisses pour qu’un spectacle ait lieu.

 

Ainsi, au fil des saisons –et il est venu souvent au Parvis – on l’a vu blanchir de la toison, changer de sujet parfois, se plaindre que la gauche au pouvoir, à l’arrivée de laquelle il avait contribué, lui donne du fil à retordre, le temps qu’elle ait fait les conneries indispensables à nourrir sa chronique ce qui ne manquerait pas d’arriver et lui donnerait l’occasion navrée de donner quelques coups de bâton à ceux qui le méritent. Tout cela a duré longtemps et puis est venu le temps des Zéniths et Guy Bedos pouvait passer au Zénith de Pau, tout proche, pour lequel il avait milité du reste avec les amis de la chanson de cette ville qui avaient su faire pression sur le maire pour que se construise ce grand équipement. Nous le verrons alors de plus loin, avec la même sympathie, mais avec moins de familiarité

 

LES DOCTEURS

J’avais une grand-mère qui vécut bien vieille et qui avait pour habitude de dire : « moi les docteurs, je les aime… mais de loin », et comme elle pétait la santé, cela faisait beaucoup rire.

À y regarder le plus près, elle n’avait pas tout à fait tort, car le docteur est à la maladie, ce que la lumière est à l’ombre : une clarté, un espoir, quand les ténèbres menacent les jours, mais il faut bien admettre que sa présence est d’abord un signe d’inquiétude. Certes, il est le secours, la sauvegarde, le soutien et l’espoir mais parce que nous nous trouvons mal ou en danger. C’est pourquoi sa visite procure toujours un mélange d’attente et d’appréhension, puisqu’il détient le diagnostic qui est aussi le verdict et la réponse à cette question permanente que la mort pose à la vie : celle de la guérison et du temps. Alors, tant qu’on a le loisir de l’aimer …de loin, on évite la question.

Mais en cette période de pandémie durable qui est le temps du souci de soi, de la crainte pour soi et pour ses proches, l’occasion d’une réflexion un peu plus approfondies sur l’existence et sur la fragilité de l’homme, il nous revient aussi à l’esprit que le plaisir de vivre va avec l’insouciance, le silence des organes, ce moment où la vie est vécue avec le sentiment qu’elle peut durer toujours, et que la médecine en somme est un recours qu’on ne sollicite que le plus tard possible, – à tort bien entendu -, puisque bien se soigner c’est prévoir qu’on pourrait être malade. Mais qui y songe à 20 ans, au temps de la jeunesse, de la force vitale, du plaisir d’exister ?

En ces temps incertains que nous vivons ou la maladie nous a pris par surprise, cloués chez nous comme des papillons sur les planches de Liège, assignés à l’écran ou le décompte démoralisant des morts du virus égrène inéluctablement ses chiffres, nous avons pris un sacré coup sur la tête. Ce n’est plus la visite à domicile(qui a disparu depuis longtemps des mœurs médicales, afflux de patients oblige), c’est un basculement brutal qui nous plonge dans une salle d’attente médiatique. Nous n’ignorons plus rien de l’hôpital, de ses difficultés, des lits manquants, des urgences saturées, des infirmières mal payées et dépassées. Nous sommes, sommés de prendre parti, pour ou contre le gouvernement : a-t-il bien fait ce qu’il fallait faire ? À-t-il mieux fait que d’autres, moins bien ? Les thuriféraires et les censeurs s’en donnent à cœur joie, chacun menaçant l’autre de procès, et l’anxiété monte à la mesure de l’indécision et de la perplexité. Le juridique prenant en charge, ce que le médical ne peut soigner : la faute. La Fontaine n’avait pas tort : au terme de la peste du XVII°, tous crièrent : Haro sur le baudet ! Rien n’a changé sous le soleil !

Car il y a les  docteurs « tant mieux » et  les docteurs « tant pis », tous capables de rédiger une ordonnance politique, sur la scène du grand manège des chaînes d’information continue.

Et puis il y a les vrais docteurs, les virologues par les temps qui courent passent en prime time, certains jeunes et d’autres vieux, certains narcissiques, d’autres blasés, certains rassurants, d’autres inquiétants, certains laxistes, d’autres Père fouettard : question de tempérament. Il y en a là une belle brochette, et chaque grand hôpital doit avoir le sien adossé à la réputation de l’institution qu’il représente.  On les écoute, on les observe, d’anciens ministres démonétisés reviennent dans le poste où ils apparaissent avec une fraîcheur d’opinion rassurante, ce qui fait qu’on se dit : tiens pourquoi en a-t-on changé ? Pourtant, à l’époque, on s’était bien moqué d’eux. Oui mais les temps changent et nous aussi, avec nos opinions flottantes et notre ignorance régulière. Bref le théâtre de la vie courante et des disputes ordinaires reprend ses droits.

Mais déjà on sent la lassitude : bon gré mal gré nous avons vécu une forme d’arrêt forcé, comme un TGV en panne de caténaire s’arrête en pleine campagne et vous laisse là, confinés sans climatisation, en attente du docteur de la SNCF ! On  vient de voir un philosophe un peu oublié revenir sur le devant de la scène et expliquer que la mort des vieux est dans l’ordre des choses et qu’il faut penser d’abord à nos enfants. Tiens donc, la belle affaire ! Le monde d’après est déjà là avec ses soucis économiques, la crise sans doute et des difficultés nouvelles.

Du coup on prendrait bien congé des bons docteurs. Mais vont-ils quitter comme cela, la scène médiatique, avec leurs paroles d’oracle, leurs airs de gourous, ou d’analystes attentifs à la souffrance du monde ? Ce n’est pas pas certain, la pandémie n’ayant pas dit son dernier mot. Peut-être aurons nous demain une cartographie de la maladie comme on a une carte météo pour suivre, le soir à la télé, l’évolution mondiale du virus comme on suit l’anticyclone des Açores, pour savoir s’il fera beau ou mauvais, pour savoir si l’on pourra sortir à visage découvert ou masqué, avec notre thermomètre dans la poche comme on emporte un parapluie. Peut-être le monde de demain sera comme ça : le bulletin médical succédant au bulletin météo, chacun avec son présentateur vedette ; c’est pourquoi la sagesse populaire de ma grand’mère ne me  paraît pas si décalée que ça : « moi les docteurs… »

Mais c’était quand, déjà, ce temps d’insouciance ?

ÇA Y EST, ON ROUVRE LES LIBRAIRIES !

Bientôt déconfinés se disent les livres. Enfin des gens pour nous regarder, nous ouvrir, nous lire comme avant, mieux peut-être.

Mais non, ne rêvons pas : toucher les livres, ça ne va pas être si simple, ou alors il faut les nettoyer entre chaque passage. Mais enfin, c’est là tout le plaisir ! Les prendre, les retourner, lire leur quatrième de couverture, les palper, les reposer, hésiter, les reprendre, les feuilleter, en lire un peu, puis davantage, aller s’asseoir sur une chaise et continuer, parfois jusqu’au bout ! Oui, oui, ça existe, on en connait de ces lecteurs qui confondant bibliothèque et librairie s’installent comme ça de longues heures à lire, puis qui reposent le bouquin et rentrent chez eux, tranquilles et insouciants.

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