CULTURE

Lorsque paraît un nouveau livre sur la culture, on se précipite pour le lire, non point qu’on en attende des révélations, mais afin de mesure l’état de la réflexion aujourd’hui sur le sujet.

. Jerôme Clément, l’ancien directeur d’ARTE (notamment) ouvre le bal d’une série qui, l’année précédant une présidentielle rappelle à l’attention générale la voix de ceux qui pensent toujours compter. Disons-le tout net, ce n’est pas avec ce genre d’ouvrage qui n’apporte aucune idée neuve mais se complait dans l’autosatisfaction des « années Mitterrand », sur le ton de : « voyez ce que notre génération d’ex gauchistes passée par Science-Po, l’ENA et les cabinets ministériels (notamment Budget et Culture) est parvenue à faire pour soutenir un projet culturel Français qui a fait notre gloire » que ça va changer quelque chose. On apprend que depuis, en effet, c’est la catastrophe, la logique de l’argent et des loisirs, la frilosité des élus, l’absence de vision des dirigeants politique successifs (post-Mitterrand) qui ont mis la culture à mal. Pourtant là est notre véritable atout, là le ciment de notre vivre-ensemble contre les replis identitaires, « ce qui donne sens à nos valeurs et à notre civilisation ». C’est aussi beau que du Victor Hugo mais c’est aussi creux. Conclusion : il y a urgence culturelle ! On avait cru comprendre. Les solutions ? L’État, la politique et puis compter sur les grands corps d’État et les subventions. Ben voyons ! Pas une approche critique pour analyser ce qui a vraiment changé dans notre vie, nos mœurs, nos populations, notre culture en un mot. Un éloge appuyé de la diversité et donc du multiculturalisme et un rejet de tous les raidissements identitaires ou sociaux de ceux qui n’ont pas compris que la France était un pays d’immigration et de sédimentation. Idées générales, idéologie dominante, bonne conscience et regrets polis. Au vrai, cet énarque typique nous trace en creux son portrait générationnel dont il nous délivre l’itinéraire, et celui de ses semblables que l’on retrouve, qui dans la culture, qui dans la politique selon le même moule, les mêmes accointances et les mêmes soutiens dans la carrière qui fait notre pays si semblable à lui-même et si peu « divers ». Il ne se demande pas une seconde cet excellent homme ce qui se passe dans ce pays pour ceux qui n’ont pas ce cursus, ces relations parisiennes (essentiellement), comment c’est difficile de pousser des portes pour qui n’a pas le carnet d’adresses et le réseau des copains, des militants, des familles ou davantage. Il ne se demande pas si par hasard, cette consanguinité, cette connivence à tous les postes de l’État qui ont verrouillé le système n’était pas de nature à épuiser le vivier intellectuel de ce qui constitue la « nomenklatura » culturelle et politique qui fait la loi dans ce pays depuis si longtemps. Il y a là le « pro-domo » de cette « gauche divine » dont parlait Baudrillard, tellement bardée de certitude de faire le Bien pour tous qu’elle ne s’interroge même pas sur le fait de savoir, si le fameux Bien, correspond à l’attente des autres et la vision des choses qu’ils en ont. Le ton est poli et désolé devant l’incompréhension que l’on pourrait manifester à une si noble préoccupation et c’est avec le sentiment du devoir bien accompli dans les tâches confiées qu’on finit son parcours avec un poste bien choisi pour accompagner une fin de carrière à l’Alliance Française. Qu’en dire ? Qu’au fond, si on a pris le bon couloir, il n’est pas nécessaire d’être un coureur Kényan pour finir en bonne place dans la course du marathon de la vie professionnelle. Mais comme on disait en 68, non plus : « cours camarade, le vieux monde est derrière toi », mais il est « en toi ».

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